Quand Mouse on Mars réinvente le son des mirages…
En 2007, le duo allemand Mouse on Mars, composé de Jan St. Werner et Andi Toma, se voit offrir une opportunité exceptionnelle : créer une bande sonore originale pour le film de leur choix dans le cadre d’un festival de cinéma italien. Le choix du groupe se porte rapidement sur Fata Morgana, un documentaire expérimental de Werner Herzog, réalisé en 1971, qui explore les paysages arides du Sahara à travers une succession de scènes contemplatives et surréalistes, sans narration traditionnelle. Le film, déjà orné de morceaux de Mozart, Leonard Cohen, et du Third Ear Band, devient le terrain de jeu idéal pour l’inventivité sonore du groupe.
Dès réception du DVD, les deux musiciens se plongent dans ce défi unique : repenser la bande sonore en temps réel, en s’appuyant sur une instrumentation aussi diversifiée qu’accessible. En mêlant guitares, percussions électroniques, guimbardes, pédales d’effets et samplers, Mouse on Mars redonne vie au film d’Herzog à travers une approche sonore inédite, entre électronique expérimentale et performance live. Leur but est simple mais audacieux : entrer en dialogue direct avec les images hypnotiques de Fata Morgana et offrir une lecture nouvelle de ce voyage visuel au cœur du désert.
Malgré les promesses des organisateurs du festival, il s’avère que les droits pour ce projet n’ont jamais été véritablement obtenus. Cela n’empêche cependant pas le groupe de monter sur scène à deux reprises avec ce projet intitulé Herzog Sessions. La première représentation a lieu alors que le groupe pense encore que tout est en règle. Mais lors de leur performance au Southbank Centre de Londres, ils savent pertinemment que Werner Herzog n’a jamais donné son aval pour cette nouvelle partition.
Ce qui fait la force de Herzog Sessions, c’est la capacité du duo à réinterpréter l’univers visuel et émotionnel d’Herzog sans jamais sombrer dans le pastiche. En s’appuyant sur leur propre signature sonore, qui mêle habilement ambient, krautrock et glitch, Mouse on Mars réussit à capturer l’essence même de Fata Morgana, tout en y insufflant une dimension résolument contemporaine. Le duo sait naviguer entre des textures sonores apaisantes et des moments plus abrasifs, alternant nappes électroniques et éclats de rythmes glitchés. L’atmosphère ambiante, parfois quasi-shoegaze, est enrichie par l’ajout d’instruments acoustiques tels que la guitare ou l’harmonica, qui apportent une touche organique à cet univers électronique.
L’une des forces de cette performance réside dans sa capacité à alterner subtilement entre des passages solennels et des séquences plus dynamiques, presque joyeuses. Cette diversité sonore reflète parfaitement les multiples humeurs présentes dans le film : du sinistre au surréaliste, en passant par l’humour noir caractéristique de Herzog. Mouse on Mars parvient ainsi à subvertir toute tentative de linéarité ou de récit, contribuant à un sentiment d’immersion totale pour le spectateur.
Mais ce qui distingue vraiment Herzog Sessions des simples relectures sonores, c’est l’audace et la fraîcheur avec lesquelles le duo s’approprie l’œuvre d’Herzog. En allant au-delà des attentes, ils ne se contentent pas d’accompagner les images du film ; ils les réinventent à travers leur propre langage musical, ajoutant une profondeur inédite à chaque séquence. Leur approche du live est tout aussi captivante : l’utilisation de boucles et d’effets en temps réel confère une dimension spontanée à la performance, chaque son semblant naître et évoluer en parfaite symbiose avec les images projetées.
L’enregistrement de cet ambitieux projet s’est étalé sur plusieurs années, de 2007 à 2009, au studio Tonstudio de Düsseldorf. Il en résulte un album fascinant, dont les titres énigmatiques, tels que ‘oergHz‘ ou ‘rHegoz‘, jouent avec les lettres du nom d’Herzog, symbolisant cette relation complexe et mouvante entre l’œuvre originale et son interprétation musicale.
Mouse on Mars, fidèle à sa réputation d’explorateur sonore, démontre une fois de plus sa capacité à marier expérimentation et émotion, technicité et spontanéité. Leur musique, résolument moderne et audacieuse, se réinvente constamment, comme en témoigne cette réinterprétation fascinante d’un film déjà considéré comme une œuvre unique.
Avec Herzog Sessions, Mouse on Mars confirme son statut d’inventeur infatigable et démontre que, même dans le cadre d’un projet aussi singulier, la créativité n’a pas de limites.
En programmation prochainement dans Solénoïde émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !
Mouse on Mars, le duo berlinois composé de Jan St. Werner et Andi Toma, avec leur collaborateur régulier Dodo NKishi, aborde la musique électronique avec une curiosité inépuisable et une ingéniosité sans pareille. Opérant dans leur orbite unique au sein de l’écho-système nébuleux de la musique de danse, les productions hyper détaillées du duo sont inventives, révolutionnaires mais possèdent toujours une expérimentation joyeuse caractéristique.