Le titre emprunte à l’écrivain M.R. James son souffle spectral, et c’est exactement ce que propose cet album : une dérive dans un univers parallèle où les ondes radio se frottent aux ombres des greniers victoriens, où l’on croit entendre Delia Derbyshire chuchoter dans un poste à lampes. Bosco parle d’ ‘une chaîne de télévision d’un ailleurs’, et c’est bien cela : une diffusion venue d’un XXe siècle qui se serait égaré dans un vortex temporel. La pochette intérieure en dit long : un œil noir au cœur d’un téléviseur, une foule figée dans une mascarade baroque, des toits pointus sous un ciel d’apocalypse verte. Et cette clé qui s’enfonce dans la serrure d’un autre monde. Tout ici suggère une obsession : celle d’ouvrir les passages secrets de l’imaginaire collectif, de gratter la surface rassurante pour révéler les coulisses inquiétantes.

Musicalement, on flotte entre les fantômes de Ghost Box, les vibrations analogiques des années 70, et la poussière dorée des vieilles bandes-son de films Amicus ou Tigon. Ce n’est pas un hasard si l’on pense à Ken Russell, à John Carpenter ou à la folk horror anglaise : Bosco convoque un théâtre d’ombres où chaque morceau semble une scène inachevée, un souvenir déformé. Les 19 titres – aux noms énigmatiques comme Yz Klömidjia, Monolith In Bowler ou Lucifer In Cefalù – sont autant de fragments interceptés sur une fréquence maudite. Certains durent moins de deux minutes, comme des interludes volés à un rêve (Essonfance), d’autres s’étirent en spirales hypnotiques (Kynna Mær et ses sept minutes hantées).

Le disque s’ouvre avec Mistery & Imagination, clin d’œil assumé à l’émission culte de Granada Television. Dès les premières notes, on entre dans une transe douce : nappes synthétiques granuleuses, réverbérations aqueuses, pulsations discrètes. Puis viennent les virages : ‘Getting Out A Gutter‘, qui passe d’une menace sourde à une danse astrale, sans jamais rompre l’incantation.

Cet album est un objet-rituel, un puzzle sonore qui exige une écoute totale, presque hypnotique. Bosco ne se contente pas de composer : il manipule les codes, détourne les signaux, glisse des clins d’œil aux pionniers – de Tangerine Dream à Throbbing Gristle – dans une esthétique lo-fi où chaque craquement semble signifier quelque chose. À ceux qui aiment le confort des mélodies lisses, passez votre chemin. Pour les autres, les curieux, les intrépides : tournez la clé. Derrière la porte, c’est un autre monde qui vous attend.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !