Dès les premières notes de cet album, on est plongé dans un univers sonore à la fois familier et innovant, où les traditions musicales grecques et turques se mêlent à des sonorités électroniques modernes et des vibrations rock des années 60 et 70. C’est une musique urbaine, mais imprégnée de folklore, où chaque morceau est une exploration sonore qui déjoue les frontières, tant géographiques que stylistiques. Le morceau d’ouverture ‘Buzzi Ayazi‘ annonce la couleur : les tzouras électriques d’Antoniou se marient à l’orgue envoûtant de Manos Stratis, tandis que la clarinette basse de Will Scott, véritable colonne vertébrale du groupe, gronde avec une force quasi mystique.

Si la musique de Buzz’ Ayaz se veut ancrée dans la modernité, elle est aussi profondément marquée par les cicatrices de son environnement. Nicosie, une capitale partagée entre deux mondes, est au cœur de cette création. Le groupe transcende cette division en réunissant des musiciens venant des deux côtés de la ligne de démarcation, en quête d’une expression artistique commune. La clarinette basse, omniprésente, devient une voix de ralliement, une métaphore sonore de l’unité dans la diversité. L’approche collective de la composition se ressent dans la richesse des textures et des arrangements, où chaque instrument trouve sa place dans une alchimie subtile et complexe.

L’album regorge de moments captivants, à l’image de ‘Fysa‘, où des rythmes microtonaux venus du Moyen-Orient se mêlent à des grooves hypnotiques, ou encore ‘Arkos‘, véritable déflagration où les sonorités grecques explosent avec une énergie retenue mais palpable. Chaque titre est une nouvelle porte ouverte sur un monde sonore, une invitation à explorer des territoires musicaux inédits. La spontanéité et la fraîcheur de ces compositions trouvent leur origine dans le processus d’enregistrement, réalisé en seulement trois jours, dans une approche live qui capture l’essence même de la performance collective.

Au-delà de la simple expérimentation sonore, Buzz’ Ayaz livre ici un véritable manifeste culturel. À travers des compositions originales et des paroles engagées, Antonis Antoniou et ses acolytes nous plongent dans une réalité où la musique devient un vecteur d’unité et de résistance face aux divisions politiques et sociales. Chaque morceau semble puiser dans l’âme de Chypre, tout en s’élevant au-dessus des murs et des barrières pour célébrer la richesse d’un patrimoine commun.

L’énergie brute et l’intelligence créative de cet album en font un projet fascinant, à la fois ancré dans les traditions et résolument tourné vers l’avenir. Buzz’ Ayaz ne se contente pas de créer de la musique, il façonne un nouveau langage sonore, un pont entre les cultures qui résonne bien au-delà des frontières de Chypre. Avec cet album, le groupe nous rappelle que la musique, dans toute sa diversité, est un espace de liberté, capable de transcender les tensions et de réinventer sans cesse les identités.

En programmation dans Solénoïde – Blender Session 66, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !