L’ album Kama Kuntu de Christine Zayed est une immersion sensorielle dans les univers entrelacés de la musique arabe classique et contemporaine, traversés par des récits poétiques et des souvenirs profonds de la culture palestinienne. Portée par le qanûn, instrument d’une virtuosité qu’elle maîtrise avec une élégance captivante, Zayed nous livre ici une œuvre qui s’adresse au cœur et à l’esprit.
Née dans une famille passionnée de musique en Palestine, Christine Zayed a grandi entre Jérusalem et Ramallah, deux villes chargées d’histoire et de significations émotionnelles. C’est là que son parcours artistique a pris forme, au milieu des chants et des récits familiaux. Très jeune, elle découvre le qanûn, cet instrument à cordes emblématique de la musique arabe, qui la fascinera au point d’en faire le pilier de sa création. Au conservatoire Edward Saïd de Ramallah, elle s’immerge dans les subtilités du maqam, système modal central de la musique arabe, qu’elle maîtrise et modernise avec une rare profondeur. En arrivant en France, Zayed a poursuivi son exploration, embrassant également le jazz et les répertoires traditionnels d’autres cultures, du turc à l’arabo-andalou. Dans Kama Kuntu (Ce que j’étais), elle tisse ensemble ses influences pour évoquer une identité musicale complexe, à la fois profondément enracinée et ouverte au monde.
Ce premier album solo réunit des musiciens de talent et des amis de longue date, notamment le chanteur et compositeur Piers Faccini. Ce dernier collabore avec Zayed sur le morceau Animal, où la complémentarité de leurs voix et de leurs langues – l’anglais et l’arabe – transcende les frontières et enrichit la chanson d’une intensité émotionnelle palpable. Ensemble, ils célèbrent la résilience et l’amour dans un monde de conflits, une allégorie de l’espoir et de l’amitié à travers des mélodies entremêlées de guitare, de qanûn et de claviers.
On retrouve également Alexis Paul à l’orgue de barbarie sur le titre Jeudi 16h53, un morceau singulier où la fusion des textures sonores dessine un paysage mystérieux, une métaphore du passage du silence à l’éternité. Cet accompagnement inattendu donne une couleur particulière à l’album, un moment suspendu dans le temps où Zayed expérimente avec des textures inédites.
Les compositions de Kama Kuntu révèlent un attachement profond aux mots, chaque chanson semblant raconter un moment de vie, une histoire ou un poème mis en musique. Dans Safartu (Séparation), premier morceau de l’album, la mélancolie de la voix de Zayed illustre la douleur d’une séparation sous une lune argentée, métaphore des choix et des départs. Quant à Romman (Grenade), elle évoque l’amour et la résistance, thèmes récurrents dans la culture palestinienne, transformant la grenade en un symbole vibrant.
Dans Avant que je ne photographie les oiseaux, Zayed s’interroge sur le passage du temps et la dualité entre la vie paisible et la course effrénée du quotidien. Sa poésie évoque les peurs et les espoirs, une quête intérieure qui se reflète dans les rythmes et les mélodies empreints de douceur et de passion.
Christine Zayed nous propose dans ce disque une œuvre où chaque note résonne comme une conversation intime entre elle et son public. Christine met en avant la richesse de la musique arabe et son lien profond avec la poésie, créant des compositions qui oscillent entre passé et présent, entre tradition et innovation.
Par cette approche, Zayed nous montre que la musique est un langage universel. Elle dit souvent que sur scène, elle ressent autant qu’elle donne, se nourrissant des réactions de ceux qui l’écoutent. Sa musique est une invitation à ressentir le monde comme elle le fait : un lieu d’échanges, de partage et de compréhension, où la tradition se réinvente sans jamais perdre son authenticité.
Avec Kama Kuntu, Christine Zayed nous offre un bout d’elle-même, de son parcours et de son héritage. Elle prouve que l’art peut être à la fois ancré dans des racines profondes et se projeter vers un avenir en quête de sens et de beauté. Grâce à sa maîtrise du qanûn, son exploration des maqams et sa sensibilité poétique, Zayed fait résonner les échos d’une Palestine intemporelle et universelle. Un album à écouter et à ressentir, pour quiconque souhaite plonger dans une musique à la fois puissante et délicate, une invitation à traverser le miroir de la culture arabe, entre nostalgie et modernité.
En programmation dans Solénoïde – Blender Session 66, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !
Christine Zayed, artiste palestinienne élevée entre Jérusalem et Ramallah, incarne avec passion la rencontre entre héritage et innovation. Chanteuse, compositrice et virtuose du qanûn, cet instrument aux riches sonorités qui lui permet d’explorer l’univers du maqam, elle s’inspire de la musique arabe classique et de la poésie contemporaine palestinienne. Sa voix, douce et puissante, se mêle aux sonorités du qanûn pour donner vie à des récits profonds et vibrants, reflets d’une identité et d’une histoire personnelle marquées par l’exil et l’appartenance.