Derrière le pseudonyme de Domotic se cache Stéphane Laporte, un nom familier pour les amateurs d’expérimentations électroniques, mais qui parvient ici à repousser une fois de plus les limites de son art.

Sorti sur le label Astra Solaria, fraîchement lancé par Bernard Grancher, Autres Oiseaux ne ressemble en rien à ce que Domotic a pu produire auparavant. Loin des sonorités analogiques qui ont souvent caractérisé son travail, cet album propose une esthétique numérique minimaliste, tout en jouant habilement sur la poésie du quotidien. Le format choisi – une cassette analogique – surprend, mais cache un concept intrigant : la face B est composée de chants d’oiseaux enregistrés et joués à l’envers. Une curiosité qui, loin d’être un simple effet de style, reflète l’esprit de l’album, marqué par la recherche de textures sonores à la fois naturelles et déstructurées.

Domotic, dont les explorations sonores oscillent entre pop psychédélique, ambient et krautrock, semble avoir atteint ici un nouveau palier de maturité. Cet albums’inscrit dans une continuité créative qui, depuis son premier album Bye Bye en 2002, ne cesse d’évoluer en puisant dans une palette d’influences variées. Mais ce qui distingue Autres Oiseaux, c’est sa capacité à s’ancrer dans une approche presque contemplative. La musique de Laporte joue avec la patience de l’auditeur, imposant un rythme lent et hypnotique, où chaque détail sonore prend une importance capitale.

La construction de l’album suit une logique minimaliste rigoureuse, où la répétition des motifs mélodiques et la subtilité des variations forment la base d’un véritable récit sonore. La série de morceaux intitulés Autres Oiseaux Part Two + Three ou Autre Oiseaux Part Seven + Eight pousse cette démarche à son paroxysme, avec des durées dépassant les dix minutes. Ici, la musique devient un paysage à explorer, où les chants d’oiseaux se mêlent à des nappes électroniques délicatement orchestrées, créant une ambiance presque onirique. Le titre Autre Oiseaux B5 incarne parfaitement cette atmosphère, oscillant entre douceur et étrangeté, avec une construction sonore qui évoque autant la nature que des paysages électroniques désincarnés.

L’un des aspects les plus fascinants de cet album réside dans l’interaction entre le réel et l’imaginaire. Écouter Autres Oiseaux avec une fenêtre ouverte, comme le suggère un auditeur averti, permet de confondre la musique avec les bruits du monde extérieur. Les chants d’oiseaux enregistrés par Domotic se fondent avec ceux que l’on pourrait entendre dans notre environnement immédiat, brouillant les frontières entre l’artificiel et le naturel, et renforçant ainsi l’immersion dans ce monde sonore flottant.

Bernard Grancher, enthousiaste, décrit Stéphane Laporte comme « une sorte de génie français méconnu », une assertion difficile à contredire tant l’œuvre de Domotic impressionne par sa cohérence et son originalité. La réussite de cet album repose aussi sur l’économie de moyens avec laquelle il a été conçu : un Yamaha PSR 200, des enregistrements d’oiseaux et des effets Digidesign FX suffisent à créer un univers musical dense et captivant. Ici, la simplicité devient une force, permettant à chaque note, chaque son de résonner pleinement.

Avec Autres Oiseaux, Stéphane Laporte nous invite à une expérience auditive où la musique semble en perpétuelle transformation, évoquant autant les bandes originales de François de Roubaix que les œuvres répétitives de Steve Reich. Minimaliste sans être austère, cet album trouve son rythme dans la douceur et la délicatesse, tout en jouant sur la profondeur des textures sonores. Il incarne à merveille cette approche que Domotic cultive depuis ses débuts : une recherche constante de nouveaux territoires sonores, guidée par une exigence esthétique sans compromis.

En définitive, Autres Oiseaux est une œuvre magnifiquement épurée, un voyage sonore à la fois simple et riche, où le temps semble suspendu. Laporte y montre une maîtrise totale de son art, prouvant qu’il est capable de faire beaucoup avec peu, tout en nous offrant un album qui, au-delà de ses bizarreries apparentes, réussit à toucher quelque chose de profondément humain et universel. Un incontournable pour ceux qui apprécient la musique électronique intelligente, sensible, et audacieuse.

En programmation dans Solénoïde – Grande Boucle 53, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !