GREGOIRE GERSTMANS

Hypnagogie

PIAS - novembre 2024

Chronique

C’est un voyage à la croisée de l’intime et du rêve que propose Grégoire Gerstmans avec Hypnagogie, son premier album. Ce projet, fruit d’une quête à la fois introspective et artistique, s’inscrit dans une tradition familiale musicale riche, tout en explorant des territoires où authenticité et spontanéité priment sur la perfection technique.

Pochette de l'album "Hypnagogie" par l'artiste belge Grégoire Gerstmans

Né dans une famille baignée par la musique – entre un père altiste du Philharmonique Royal de Liège et un grand-père fondateur d’une école de musique –, Grégoire Gerstmans a trouvé dans le piano un fil conducteur à son cheminement créatif. Cet instrument, symbole de son enfance, devient ici une source d’expérimentation et d’expression brute. Chaque note jouée sur ce piano droit restauré semble porter l’écho des générations passées, mais aussi la sincérité de l’instant présent.

Ancien batteur et guitariste passionné par le blues américain, Gerstmans a traversé les États-Unis pour s’imprégner des racines d’un genre où l’authenticité règne. De ces expériences, il a conservé un goût pour les récits dépouillés et les sonorités directes. Mais avec Hypnagogie, il revient à une épure radicale, à une simplicité qui, paradoxalement, révèle une grande complexité émotionnelle.

L’album compte neuf pièces instrumentales, chacune enregistrée en une seule prise, sans retouches. Loin d’être une contrainte, ce choix reflète une démarche artistique où le moindre détail sonore – le souffle, le craquement du plancher, la résonance des cordes – participe à la narration. Ces compositions, qu’il a pensées dans le calme de son grenier, sont autant d’instantanés sonores qui capturent des fragments de sa vie et de son imaginaire.

Inspiré par des peintres comme Yves Klein et Jackson Pollock, l’artiste joue avec la notion de minimalisme et de spontanéité. Les photos argentiques qui accompagnent l’album, développées par Gerstmans lui-même, renforcent cette quête d’authenticité et de lien entre les sens. Chaque cliché, chaque morceau, semble murmurer une histoire où l’éphémère devient éternité.

Les morceaux de Hypnagogie invitent à une méditation sur le temps et la mémoire. Dans Paradoxes, Gerstmans immortalise une promenade en forêt, où les sons de la nature l’ont plongé dans une vertigineuse contemplation. L’écorce du zèbre évoque la douce nostalgie de l’enfance, à travers le mouvement d’une balançoire filmée dans un parc. Avec Dust, il capture l’immensité cachée dans un rayon de lumière, où des particules dansent dans l’air.

Chaque titre est une plongée dans un univers singulier. La valse légère de Sans brume fait sourire par sa mélancolie lumineuse, tandis que Clausa explore le silence, laissant place à une introspection presque méditative. Aujourd’hui, écrit en pleine conscience, semble jaillir comme une évidence, un murmure venu de loin. Enfin, La mer, qui clôt l’album, conte l’histoire d’un homme face à l’infini, découvrant la vanité de ses propres obsessions.

Hypnagogie est une œuvre délicate, presque fragile, qui célèbre l’imperfection et le caractère unique de chaque moment. Les influences néo-classiques de Grégoire Gerstmans, à mi-chemin entre Nils Frahm, Joep Beving et Arvo Pärt, sont évidentes, mais son approche narrative et visuelle confère à son travail une identité singulière.

Cet album est une invitation à ralentir et à prêter attention aux murmures du monde. Avec Hypnagogie, Grégoire Gerstmans ne livre pas seulement de la musique, il offre une part de lui-même, un fragment de vie à écouter, à voir, et surtout, à ressentir.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de GREGOIRE GERSTMANS

Grégoire Gerstmans, artiste aux multiples talents, puise son inspiration au cœur d’un riche héritage musical familial. Entre le piano de son grand-père, fondateur de l’Académie de Musique de Hannut, et l’alto de son père, il a grandi dans un univers où tradition et modernité s’entrelacent harmonieusement.

D’abord percussionniste, puis voyageur en quête des racines du blues américain, il revient à son premier amour : le piano. Animé par une quête de pureté sonore et d’authenticité, il explore des mélodies qui capturent la poésie des souvenirs et la fragilité des instants. Chez lui, la musique n’est pas seulement un art : c’est une mémoire vivante, un pont entre passé et présent, une manière d’évoquer l’innocence et l’émerveillement des premières notes de la vie.

Photo de l'artiste belge Grégoire Gerstmans

Solénothèque

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