MALCOLM PARDON

The Abyss

The Leaf Label - septembre 2024

Chronique

Avec The Abyss, Malcolm Pardon nous invite à une introspection rare, une méditation musicale sur la mort, non pas comme un spectre menaçant, mais comme un compagnon constant de notre existence. Cet album, à la fois épuré et texturé, nous emmène dans un voyage intérieur, où chaque note de piano, chaque souffle électronique est une tentative de comprendre l’inéluctable.

Pochette de l'album "The Abyss" par Malcolm Pardon. Une silhouette s’avance vers l’eau d'une piscine, prête à plonger dans l’inconnu.

Après un premier album solo, Hello Death, où le piano minimaliste était au centre de la scène, Pardon élargit ici son paysage sonore. The Abyss se révèle plus ample, plus immersif. Le piano, bien qu’encore présent, se fond désormais dans un ensemble d’atmosphères synthétiques et de traitements sonores subtils. « Si Hello Death était un artiste solo, The Abyss est un groupe », explique Pardon, qui s’appuie sur l’expertise de Peder Mannerfelt et Pär Grindvik (alias Aasthma) pour enrichir son œuvre d’une palette sonore plus dense.

Dès les premières notes de l’album, il devient clair que Pardon n’est pas intéressé par le macabre ou l’horreur de la mort, mais par la beauté qui peut en émaner. Le morceau ‘ Enter the Void illustre parfaitement cette approche. Un motif de piano délicat se faufile à travers des grondements lointains, et des cordes éthérées viennent en contrepoint. Loin de nous plonger dans un gouffre d’angoisse, Pardon nous propose une contemplation calme, presque sereine, de ce « vide » qui attend chacun d’entre nous.

Sur ‘Vanmakt‘, un crescendo de synthétiseurs se déploie avec stoïcisme, un élan vers la joie malgré la perte imminente. Ici, les carillons de piano préparés et les bruits ambiants qui parcourent la pièce ajoutent un réalisme tactile, une sensation de présence immédiate. Chaque morceau de The Abyss est une œuvre de détails minutieux, qui se révèlent avec patience au fil des écoutes. Cette capacité à construire des pièces qui s’épanouissent progressivement fait de cet album une expérience cinématographique, un film sonore qui évolue à chaque audition.

Loin d’un projet délibérément conceptuel, Pardon s’est laissé guider par le processus créatif lui-même, explorant des territoires inédits. « Pour moi, The Abyss représente l’exploration de ses propres capacités », confie-t-il. Comme un peintre face à une toile blanche, il s’assoit au piano et laisse la musique surgir, presque comme par magie, trouvant une voie dans le chaos. Cette approche instinctive fait écho à la notion même de la mort : un grand inconnu, que nous ne maîtrisons pas, mais que nous apprenons à accepter.

Cette exploration se ressent dans la production de l’album. Les textures sonores flottent, comme des vagues sous-marines, évoquant l’immensité de l’abysse. Pardon, inspiré par l’idée d’être submergé, parvient à créer un environnement sonore qui n’est pas tout à fait confortable, mais qui possède une certaine immobilité, une acceptation calme du destin.

L’image de couverture, signée Chris Shonting, capture l’essence de l’album. Une silhouette s’avance vers l’eau, prête à plonger dans l’inconnu. Tout est paisible, et pourtant, une perturbation semble imminente. Comme la musique de The Abyss, cette image est à la fois invitante et troublante, douce et inquiétante. Il y a un équilibre fragile entre sérénité et tension, entre vie et mort, et c’est cet équilibre que Pardon explore avec une sensibilité poignante.

Malcolm Pardon, moitié du duo Roll The Dice, a toujours su jongler entre électronique et orchestration classique, mais dans ses projets solo, il s’aventure plus profondément dans l’intime. Ses pièces pour piano, simples en apparence, cachent une complexité émotionnelle et technique qui ne se révèle qu’à ceux qui prennent le temps de s’y immerger. L’influence de son expérience en composition pour le cinéma est évidente, chaque piste semblant être une bande-son pour un moment suspendu entre deux mondes.

The Abyss n’est pas un album qui se consomme rapidement. Il nécessite une écoute attentive, un abandon au flux musical. C’est une œuvre qui parle du plus profond de nous, de notre relation à la finitude, à cette conscience constante que nous ne sommes que de passage. Pourtant, à travers cette exploration de la mort, Pardon parvient à saisir quelque chose de profondément vivant, une lumière dans l’obscurité.

Dans un monde où tout semble éphémère, où la musique est souvent conçue pour être consommée à la volée, Malcolm Pardon offre une pause, une réflexion. The Abyss est une invitation à ralentir, à contempler, et peut-être, à apprivoiser l’inconnu

En programmation dans Solénoïde – Solénosphère 31, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de MALCOLM PARDON

Malcolm Pardon, artiste à la croisée des mondes musicaux suédois et écossais, s’est forgé une réputation en tant que créateur de paysages sonores aux dimensions cinématographiques. Cofondateur du duo Roll The Dice avec Peder Mannerfelt, il marie avec brio électronique immersive et orchestrations texturées, collaborant avec des artistes de renom comme Pole et Alessandro Cortini. Après des débuts à Londres dans les années 90, il s’est installé à Stockholm, où il s’est illustré dans la composition pour le cinéma et la télévision (The Last Panthers, Edge Of Tomorrow). En solo, Pardon explore des thèmes introspectifs autour de la mort avec des albums comme Hello Death et The Abyss.

Photo de l'artiste Malcolm Pardon baignant dans une piscine

Solénothèque

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