NO&RD

Twoo

SOOND - Février 2025

Chronique

Il est des albums qu’on écoute comme on feuillette un livre, et d’autres qu’on traverse comme un paysage. TWOO, deuxième manifeste de NO&RDOlivier Mellano et Régïs Boulard — appartient à cette seconde catégorie. C’est une terre aux saisons imprévisibles, un climat sonore où l’on passe en quelques minutes du zénith brûlant à la neige qui tombe sans un bruit. 

Pochette de l'album "Twoo" par NO&RD (Olivier Mellano & Régïs Boulard)

Untrod ouvre le disque comme on entrouvre un coffre oublié. On y découvre des cordes qui résonnent telles des poutres frappées par un marteau lent, dans un hangar vide. La batterie, elle, s’avance par bouffées, comme un grand animal qu’on devine dans l’ombre. On sent déjà que tout, ici, va se jouer entre la précision et l’imprévu. Twoo n’est pas un simple titre, c’est un pacte : deux musiciens, une conversation sans filet. La batterie galope comme un cheval lancé dans une steppe de pierre, la guitare court à ses côtés, mi-alliée mi-rivale. Parfois, l’un prend l’ascendant, mais jamais longtemps ; aussitôt l’autre reprend le flambeau, et ensemble ils tissent un dialogue plein de secousses et d’envolées.

Quand arrive Tornado Rosso, c’est comme si le vent se levait brusquement. La pièce semble taillée dans une bourrasque : une succession de rafales électriques, de spirales qui se resserrent jusqu’au vertige. Ici, la guitare de Mellano se fait tornade raseuse, et la batterie dessine des éclairs sur le ciel sonore. Dr. Woo est son contraire : une sorte de comptine ralentie, avec ce balancement entêtant qui évoque un hamac oscillant au-dessus d’un vide rassurant. Mais cette tranquillité n’est qu’apparente : bientôt, tout s’élargit, comme une vallée qui s’ouvre soudain derrière un virage, laissant passer un souffle vaste et clair. Puis Twork surgit, frontal, avec l’énergie brute d’un concert de caveau. Les percussions claquent comme des battements de drapeau, la guitare érige des remparts de sons granuleux. On a envie de taper du pied, de secouer la tête, de se joindre à cette transe sans mode d’emploi.

Wonder or Not ressemble à une éclipse émotionnelle : la lumière baisse, les ombres s’étirent, et la musique se fait incantation. Chaque note est un caillou jeté dans l’eau, dessinant des cercles qui s’élargissent jusqu’à englober le silence. Avec Tolktober, tout redevient imprévisible. Les rythmes se plient et se déplient comme des origamis instables, et le duo avance à tâtons dans un labyrinthe qu’ils semblent inventer en marchant. C’est du rock libre, jamais réduit à une case, avec cette fraîcheur de l’esquisse qui se suffit à elle-même. Road to Now évoque la traversée d’un désert cosmique : un ruban de sable figé dans une nuit de constellations mouvantes. La batterie y bat un pouls patient, la guitare trace des chemins phosphorescents. On croit entendre les échos d’anciens rituels, ou peut-être le chant d’un vaisseau fantôme.

Woon est un retour à la joie première : celle qu’on éprouve enfant, quand tout jeu est un univers complet. La complicité entre Mellano et Boulard atteint ici une dimension presque tactile : on perçoit le sourire derrière chaque note, la jubilation derrière chaque frappe. Et quand un petit motif électrique se glisse comme une taquinerie, c’est une façon de dire que rien ne sera jamais trop sérieux. Drown Town a l’allure d’une cité engloutie sous des trombes grises. La batterie s’y fait battement de cœur en alerte, la guitare y trace des filaments de lumière qui percent la pluie. C’est un morceau où l’on entend la résistance, la persistance, et puis, au bout, l’apaisement. Neurovision s’élève comme un monolithe : un long crescendo bâti pierre après pierre, jusqu’au sommet. Chaque strate sonore est posée avec soin, chaque montée est une promesse tenue. C’est le morceau où NO&RD montre sa capacité rare à faire respirer la tension, à la rendre organique. Enfin, Nordor clôt l’album dans un climat de majesté tranquille. La batterie sculpte un rythme ample, la guitare fait naître un ciel sans horizon. Ici, la puissance n’est plus un assaut, mais une marée lente qui vous engloutit sans heurt.

On referme TWOO avec la sensation d’avoir traversé un territoire inconnu, un lieu où la spontanéité et la maîtrise avancent bras dessus bras dessous. Mellano et Boulard ont inventé leur propre grammaire, faite d’urgences translucides et de silences suspendus. C’est une musique qui ne vous explique rien, mais qui vous invite à ouvrir toutes les portes. Une musique qui vous prend la main, puis vous lâche au bord d’un précipice, pour mieux vous apprendre à voler.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de NO&RD

NO&RD, c’est la rencontre explosive d’Olivier Mellano et Régïs Boulard.

Guitariste aventureux, Mellano passe avec brio du rock à la musique contemporaine, sculptant des paysages sonores puissants et imprévisibles. À la batterie, Boulard, figure rennaise nourrie de punk, jazz et free jazz, insuffle une énergie brute et virtuose.

À deux, ils forment NO&RD : un laboratoire sonore où improvisation, intensité et liberté totale se conjuguent en un tourbillon musical unique.

Pochette de NO&RD (Olivier Mellano & Régïs Boulard)

Solénothèque

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