Dans Iskra, son premier album, la compositrice et multi-instrumentiste polonaise Olga Anna Markowska brosse un paysage sonore où la mémoire et l’introspection se mêlent à des sonorités envoûtantes. Construit comme une journée qui s’étire de l’aube au crépuscule, cet album navigue entre le tangible et l’éphémère, à travers des textures musicales à la fois subtiles et profondes.
Le titre Iskra, qui signifie étincelle en polonais, traduit parfaitement l’esprit de cette création. Markowska y explore un changement progressif, une renaissance musicale qui se révèle doucement à l’auditeur. Chaque morceau est une étape de cette transformation, un instant suspendu entre le passé et l’avenir, entre l’ancien et le neuf. Déroulé sur une période de cinq ans, de 2017 à 2022, l’album est le fruit d’une longue maturation. Il rassemble des enregistrements anciens et des compositions récentes, tissant une continuité musicale qui reflète les questionnements de l’artiste sur l’identité, la mémoire et la relation entre l’humain et la nature.
La singularité de Iskra réside dans la manière dont Markowska manipule ses instruments. Son violoncelle, longtemps mis de côté pour mieux le redécouvrir, s’imprègne ici d’une profondeur nouvelle. Il ne résonne pas comme un instrument de concert, mais plutôt comme un compagnon intime, porteur d’émotions brutes et de souvenirs enfouis. Parallèlement, la cithare occupe une place centrale, ajoutant une dimension onirique aux compositions. Combinée à des boucles électroniques subtiles et à une voix parfois présente sous forme de murmures instrumentaux, elle crée une ambiance qui oscille entre la musique classique minimaliste et l’ambient. Ce jeu sur les textures rappelle l’œuvre de Jacaszek, les structures déliquescentes de William Basinski et même l’esthétique cinématographique de Kieslowski.
Parmi les morceaux marquants, Train Ride Home se distingue par sa construction hypnotique, portée par le son lancinant de la cithare, à l’image d’un paysage qui défile au-delà d’une fenêtre de train. Fever Dream, quant à lui, plonge dans une matière sonore plus dense, à la frontière entre le rêve et le cauchemar, avec ses distorsions et son statisme envoutant. Enfin, Helix déploie des boucles minimalistes et des nappes vocales qui semblent flotter dans l’espace, comme une mélodie oubliée ressurgissant du passé. Chaque titre de Iskra contribue à une expérience immersive et introspective. Il ne s’agit pas d’une musique qui s’impose, mais plutôt d’une invitation à la contemplation, à un voyage intérieur où chaque note agit comme une réminiscence fragile et poignante.
Loin des clichés du genre, Iskra propose une fusion organique entre classique et ambient, où le son se construit en strates pour envelopper l’auditeur. En évitant les effets tapageurs et les artifices, Markowska préfère une approche sincère et épurée, qui exige une écoute attentive et un certain abandon. Avec ce disque, Olga Anna Markowska signe une œuvre qui ne se contente pas d’être un album de musique, mais une expérience à part entière, une exploration sensorielle et émotionnelle qui trouve un écho dans notre monde contemporain. Un premier opus qui pose d’ores et déjà les jalons d’un univers musical singulier et profond.
En programmation dans Solénoïde – Solénosphère 32, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !
Olga Anna Markowska est une artiste interdisciplinaire, multi-instrumentiste et compositrice polonaise dont le travail explore l’identité, la mémoire des lieux et la relation entre l’humain et la nature. Naviguant entre musique ancienne, minimalisme, ambient et avant-garde, elle fusionne électronique, cithare et violoncelle pour créer des paysages sonores immersifs. Co-fondatrice du duo Teufelsberg, elle a collaboré avec des artistes comme Piotr Kaliński et Olgierd Dokalski, tout en composant pour des installations et des courts-métrages. Passionnée par la puissance évocatrice du son, elle envisage chaque projet comme un dialogue sensoriel et narratif.