REID WILLIS

Reliquary

Mesh - Juillet 2025

Chronique

Au fond d’un tunnel sculpté dans l’écho d’un rêve, baigné d’une lumière lunaire, surgit Reliquary, le dernier album de Reid Willis. Ce disque, aussi visuel que sonore, n’est pas une simple collection de morceaux : c’est une architecture en ruine vivante, un sanctuaire d’ombres et de révélations, un cabinet de curiosités émotionnelles dont chaque recoin résonne d’un souffle ancien et d’un futur encore indéfini.

Pochette de l'album "Reliquary" par l'artiste Reid Willis

Depuis les profondeurs vibrantes de La Nouvelle-Orléans, Willis – pianiste classique devenu alchimiste sonore – façonne ici une œuvre d’une ambition rare. Reliquary (paru le 11 juillet 2025 chez Mesh) transcende les genres, les codes, les cadres. Il est à la fois relique et renaissance. Dans ce mausolée auditif, les fragments d’identité sont empilés comme des strates archéologiques. On y entend l’effritement du passé, les battements confus du présent, et les pulsations embryonnaires du futur.

L’ouverture, Mutual Fawn, convoque un ballet de pistons et de soupirs, une funk désossée à la respiration saccadée. C’est un cœur mécanique, battant à vide dans une carcasse cinématographique. Avec Diamond Spitter, nous glissons dans un labyrinthe vocal, comme si l’on écoutait une incantation en boucle à travers les murs d’un rêve. Le morceau évoque un rituel mutant, mené par une basse rampante et des percussions erratiques. Mais c’est The Gnawing qui griffe véritablement l’oreille : le titre ronge l’auditeur avec sa tension sourde, son minimalisme vénéneux, comme une pensée obsédante que l’on ne parvient jamais à taire. Puis, Aura Amora s’ouvre comme une nef gothique, saturée de réverbérations, peuplée de percussions qui résonnent dans les voûtes d’un temple oublié. Sur Underpunished, les structures s’effondrent, et le chaos devient langage. Ce morceau est une fuite – dans les boyaux d’une rave fantomatique, un IDM qui explose les murs entre rage, extase et liturgie.

Ce que Reid Willis accomplit ici tient de la magie noire : transformer des émotions en textures, des souvenirs en fréquences. Sincerio, l’un des morceaux les plus énigmatiques, est une caresse de métal liquide, où la mélodie s’efface peu à peu sous des nappes de design sonore qui semblent palpables, presque visqueuses. Dans I Am a Forest Fire, apogée émotionnelle de plus de dix minutes, l’artiste ose la combustion lente. C’est une prière qui devient incendie, une lente désintégration où tout – piano, chœurs, synthèse – s’embrase en spirale jusqu’à ne laisser qu’un brasier de sensations pures. Enfin, An Endless Path Ascending clôt l’œuvre tel un escalier vers une lumière bleue. Une ascension douce et vertigineuse, où les battements s’espacent, les notes se déploient comme des ailes de verre. La fin ne semble jamais tout à fait arriver.

Willis ne compose pas, il sculpte dans l’invisible. Il ne produit pas, il évoque. Chaque morceau est une relique, oui, mais pas figée : une relique qui palpite. Une partie morte, peut-être, mais animée d’un souffle nouveau. À l’heure où la musique se consomme en flux rapide, Reliquary exige une écoute lente, attentive, méditative. C’est un album à habiter, pas à survoler. Une œuvre qui murmure que les fantômes du passé ne sont pas à fuir, mais à convoquer pour construire l’avenir.

Pour les auditeurs en quête d’extases inattendues, de paysages sonores qui se construisent et se dérobent à chaque instant, Reliquary est plus qu’un disque : c’est une traversée. Une œuvre à écouter comme on explore une grotte de glace, à la fois effrayante et sublime. Reid Willis ne fait pas de la musique électronique. Il façonne des mythes sonores.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de REID WILLIS

Compositeur visionnaire et pianiste de formation, Reid Willis fusionne mélodies orchestrales et textures électroniques pour créer des paysages sonores d’une intensité cinématographique. Originaire de La Nouvelle-Orléans, il a commencé à écrire ses premières pièces dès l’âge de 8 ans avant d’obtenir un double diplôme en composition à Louisiana State University et de se spécialiser en production au SAE Institute d’Atlanta.

Auteur de huit albums et collaborateur de projets pour Microsoft, Mazda ou Al Jazeera, Willis repousse sans cesse les frontières musicales. Son œuvre, immersive et audacieuse, brouille les lignes entre l’émotion pure et la recherche sonore. Actuellement, il prépare certainement son neuvième album, fidèle à sa quête : transformer la musique en matière vivante.

Photo de l'artiste Reid Willis

Solénothèque

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