SKULLCAP

Snakes of Albuquerque

Cuneiform Records - Mai 2025

Chronique

Imaginez une route sans fin, sous un ciel orange qui fond comme une pastèque sous le soleil du Nouveau-Mexique. Un panneau claque au vent : Albuquerque, 700 miles. Dans la poussière, trois silhouettes apparaissent. Un violoncelle qui grogne et gémit, une guitare qui trace des arabesques de lumière, et une batterie qui pulse comme le cœur d’un reptile. Bienvenue dans Snakes of Albuquerque, le premier album de Skullcap, nouvelle étoile filante du label Cuneiform.

Pochette de l'album "Snakes of Albuquerque" par le groupe Skullcap avec Janel Leppin, Anthony Pirog et Mike Kuhl

Skullcap, c’est une sorte de bande originale d’un road movie halluciné où chaque virage réserve une embuscade sonore. Le trio — Janel Leppin (violoncelle, Minimoog), Anthony Pirog (guitare électrique) et Mike Kuhl (batterie, percussions) — a choisi l’errance comme boussole. Ici, pas de balises, pas de frontières nettes entre rock expérimental, jazz électrique ou musique de chambre. Juste un sillon brûlant qui file droit vers l’horizon.

Le disque démarre sur Pine Trees of Tennessee, fausse ballade boisée où le violoncelle se fait conteur d’histoires anciennes, avant qu’un motif de guitare ne vienne déchirer le ciel comme un éclair. Puis, sur Rt. 40, la batterie de Kuhl martèle une autoroute imaginaire, évoquant à la fois le groove motorik du krautrock et la tension d’un thriller psychologique. Bear Out There joue la carte de la menace, avec ses frottements inquiétants de cordes et ses interstices de silence où l’on croit entendre respirer quelque bête tapie sous les cactus. Journey to the Sunset, quant à elle, se savoure comme une longue plongée vers un soleil rouge sang, tandis que le morceau-titre, Snakes of Albuquerque, dresse ses anneaux sonores dans une transe hypnotique. Ici, la guitare d’Anthony Pirog se mue en sifflement métallique, serpentant entre les notes graves du violoncelle de Janel Leppin.

L’album multiplie ces scènes cinématographiques, comme Orange Sky, où l’on croit entendre les câbles électriques chanter au-dessus du désert, ou encore Desert Turtles, pièce monumentale de plus de six minutes, lente dérive où chaque instrument avance, prudent, sur le sable brûlant. Le tout ponctué de miniatures surprenantes, à peine plus longues qu’un battement de cœur : 700 Miles, Just Passin’ Thru, Ambrosia Burger… Autant d’instantanés, comme des Polaroids collés sur le tableau de bord. Ce qui rend Snakes of Albuquerque si fascinant, c’est la chimie quasi télépathique entre ces trois musiciens. Pas de partitions, peu de mots, expliquent-ils : juste des ébauches, des grooves, des élans spontanés. Une confiance totale permet à chacun d’oser tout — du solo flamboyant à la retenue la plus fragile.

Il faut entendre la souplesse du jeu de Mike Kuhl, tantôt jazzman à balais, tantôt batteur rock rugueux. Il faut goûter la palette de textures de Janel Leppin, capable de faire pleurer son violoncelle comme un alto classique avant de le métamorphoser en créature synthétique via son Minimoog. Il faut suivre Anthony Pirog, guitariste caméléon, aussi à l’aise dans le stridulant free-rock que dans un simple motif cristallin.

Snakes of Albuquerque est de ces albums qui refusent les étiquettes. Rock instrumental ? Jazz moderne ? Post-rock de chambre ? Sans doute tout ça à la fois — et rien de tout ça. On y voyage dans l’espace autant que dans l’imaginaire, entre autoroutes bitumées et dunes lunaires. Comme une caravane psychédélique qui s’élance à travers l’Amérique et revient chargée de visions. Un disque dont on ressort grisé, avec le goût du sable et du vent sur la langue. Et peut-être, dans le lointain, le sifflement d’un serpent prêt à réapparaître. Snakes of Albuquerque est une carte routière vers un ailleurs sonore. Et Skullcap, trois guides intrépides prêts à nous y emmener, phares allumés dans la nuit.

En programmation dans Solénoïde – Mission 237, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de SKULLCAP

En 2012, Janel & Anthony nous envoûtaient avec Where Is Home, un disque à la fois intime et virtuose, où boucles électroniques, folk-blues et atmosphères élégiaques se mêlaient avec une grâce hypnotique.

Aujourd’hui, la violoncelliste Janel Leppin et le guitariste Anthony Pirog retrouvent la route avec Skullcap, aux côtés du batteur Mike Kuhl, figure de la scène jazz et expérimentale de Baltimore/DC.

Skullcap bouscule les frontières entre rock instrumental, jazz électrique et musique de chambre. Leur album Snakes of Albuquerque est une bande-son imaginaire de road movie, où éclats électriques et textures acoustiques dessinent des paysages à la fois rugueux et poétiques.

Toujours libres et imprévisibles, Janel, Anthony et Mike prolongent l’alchimie née dans Where Is Home, en l’ouvrant sur des horizons plus vastes et cinématographiques. Une aventure sonore à ne pas manquer.

Photo du groupe Skullcap avec Janel Leppin, Anthony Pirog et Mike Kuhl

Solénothèque

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *