Il souffle un vent nouveau dans l’univers des musiques savantes. Avec Il Vento, Wassim Soubra nous invite à écouter l’invisible, à percevoir les murmures du monde. Ce nouvel album est une traversée : entre Orient et Occident, entre souffle et cordes, entre silence et vibration.
Wassim Soubra, pianiste et compositeur franco-libanais à la trajectoire poétique et singulière, tisse ici une œuvre délicate, aérienne et cinématographique. Dès les premières mesures de Réfractions, on a l’impression d’entrer dans une lumière liquide, comme si le piano captait les reflets d’un soleil levant sur une mer d’Orient. Le violoncelle de Julie Sevilla-Fraysse entre en scène tel un mirage de cordes tendues entre ciel et sable, tandis que la flûte d’Henri Tournier dessine des spirales dans l’air, complices du oud onirique de Khaled Al-Jaramani.
Soubra ne se contente pas de composer : il évoque, suggère, peint avec le son. Chaque pièce devient un tableau mouvant, une fugue entre les mondes. Azur, avec ses 6 minutes 24 secondes d’envoûtement, déploie une clarté bleue et minérale, rappelant les étendues de ciel d’un Debussy en exil dans les jardins suspendus de Byblos. Alizé, morceau court mais dense, semble naître d’une improvisation méditative — une danse du vent entre Orient et Occident. Mais c’est dans Le Pêcheur Solitaire que l’album touche au mystique : un voyage intérieur, solitaire mais jamais vide. On y sent l’errance douce d’un homme entre deux ports, deux identités, deux temps. Le souffle profond de la flûte rejoint le silence, comme une conversation avec l’invisible. C’est ici que la musique de Soubra rejoint l’intemporel, cet espace où l’art ne décrit plus mais devient.
Né à Beyrouth, formé à Boston, façonné à Paris, Wassim Soubra est un passeur de mondes. Son piano, riche d’une double culture, marie rigueur classique et feu oriental. La guerre civile l’a poussé hors du Liban, mais ses compositions y reviennent sans cesse, comme des oiseaux migrateurs au plumage mélodique. À la Schola Cantorum, il a appris les codes ; dans la danse et l’improvisation, il a trouvé la liberté. Ce contraste est au cœur de Il Vento, un album où la structure devient souffle et la forme, pure sensation. La Rose, longue pièce de plus de six minutes, s’ouvre comme un jardin musical : on croit y sentir les parfums, on croit voir les pétales s’épanouir dans la lumière changeante de la flûte et du oud. L’instrumentation, toujours juste, jamais bavarde, donne toute sa place au silence, ce cinquième instrument que Soubra manipule avec une sagesse de sculpteur.
L’album, enregistré en novembre 2024 au Studio de Meudon, bénéficie de la finesse de l’ingénieur du son Aurélien Marotte. On y perçoit une unité rare, un dialogue authentique entre les musiciens. Le quatuor semble respirer à l’unisson, comme s’ils partageaient un souffle commun — celui du vent, encore et toujours. Il Vento est une traversée. On y entend les rumeurs d’un monde en équilibre, les palpitations d’un souvenir d’enfance, les échos d’un exil apaisé. C’est une œuvre-miroir, dans laquelle chacun peut projeter ses propres paysages intérieurs. À une époque où tant de musiques crient, celle de Wassim Soubra chuchote. Elle n’impose rien, elle propose. Et dans ce souffle discret réside peut-être sa plus grande force.
Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !
Né à Beyrouth dans les années 50, bercé par le piano Pleyel de sa mère, Wassim Soubra embrasse très tôt la musique comme une seconde langue maternelle. Quand la guerre éclate en 1975, il quitte le Liban, emportant avec lui les sons de son enfance pour les mêler à l’harmonie occidentale. Formé au Boston Conservatory, à l’École Normale de Musique et à la Schola Cantorum, il devient un maître des passerelles : entre Orient et Occident, entre mythe et modernité.
De Bach to Beirut à son opéra Adonis créé à l’UNESCO, en passant par Sonates Orientales, ses œuvres racontent des légendes, réinventent la mémoire, font dialoguer oud et piano, souffle et cordes. Aujourd’hui, Wassim Soubra compose comme on trace une carte des vents : sa musique, faite de lumière et de silence, porte en elle l’écho des exils et la promesse d’un ailleurs.