ZËRO

Never Ending Rodeo

Ici d'Ailleurs - septembre 2025

Chronique

Un rodéo sonore sans fin, entre transe hypnotique et cinéma halluciné.

Nuit noire, bitume avalé, phares brouillés : la pochette de Never Ending Rodeo plante d’emblée le décor. Une voiture fantôme, lancée à toute vitesse dans un espace indéfini, comme happée par son propre mouvement. L’image dit tout : la musique de Zëro n’avance pas, elle dérive, elle dérape. Elle se consume dans une spirale où chaque note menace d’exploser, mais reste en suspens, prête à basculer vers un ailleurs inconnu.

Pochette de l'album "Never Ending Rodeo" par le groupe Zëro

Six ans après Ain’t That Mayhem, les Lyonnais reviennent avec un album d’une densité saisissante. Éric Aldéa (chant, guitare), Franck Laurino (batterie), Ivan Chiossone (Persephone, synthés) et désormais Varou Jan (guitare, basse) prolongent la quête entamée depuis les débuts : créer un langage sonore qui ne soit ni post-punk, ni noise, ni psyché, mais tout cela à la fois – et autre chose encore. Une musique mouvante, insaisissable, où la narration remplace la simple composition. Chaque morceau est un plan de film, chaque rupture un cut, chaque dérapage un travelling vers l’inattendu.

On pense à un western de Jim Jarmusch dopé à l’électricité blanche. Back On The Hillside résonne comme un rêve fracturé, dialogue spectral perdu dans une tempête intérieure. One Track Mind s’enfonce dans une spirale anxieuse, boucle obsessionnelle où l’esprit s’épuise en tournant sur lui-même. Hellvin déclenche des courts-circuits narratifs, accélérations soudaines qui virent au cauchemar. Et quand surgit Custer, longue traînée d’électricité blanche, l’auditeur se retrouve littéralement projeté au bord de la route, à contempler une nuit qui ne finit jamais.

L’ombre de Virginie Despentes et Béatrice Dalle plane sur ce disque : leurs lectures scéniques avec le groupe ont laissé des traces. Zëro ne joue plus simplement de la musique, il met en scène le son. C’est une écriture en gestes, en séquences, où le texte se dissout dans la matière sonore. Les guitares sonnent comme des voix, les synthés comme des paysages, les percussions comme des déflagrations d’images. Il faut aussi saluer la production ample et minutieuse de Niko Matagrin : chaque frappe, chaque larsen, chaque ligne de basse s’intègre dans un espace sculpté comme une architecture. On ne traverse pas Never Ending Rodeo : on y entre, on s’y enferme, happé par son magnétisme.

Zëro n’a jamais été un ‘groupe de genre’. Et c’est tant mieux. Leurs morceaux progressent par tensions, par secousses, par fuites en avant. Ce qui compte ici n’est pas le style mais le mouvement : une spirale hypnotique qui oscille entre brutalité et grâce. Comme si Tom Waits avait rencontré Nine Inch Nails sur une route déserte, juste avant qu’un orage n’éclate. Never Ending Rodeo est un disque d’une beauté noire, presque mystique. Une musique physique, viscérale, incantatoire. Une musique qui prend à la gorge, qui empêche de fuir. Chaque morceau est une course folle, mais rien ne se clôt, tout reste ouvert. Rodéo sans fin, oui – mais surtout vertige sans fond.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de ZËRO

Zëro, c’est l’histoire d’un éternel recommencement, une renaissance après chaque métamorphose. Héritier des cultissimes Deity Guns et Bästard, le groupe lyonnais mené par Eric AldéaFranck Laurino et Ivan Chiossone s’est taillé une réputation sur scène ces dernières années, accompagnant Virginie Despentes, Béatrice Dalle et Casey sur des performances incandescentes. Désormais renforcé par Varoujan Fau (Le Peuple de l’Herbe), Zëro prépare son grand retour avec ce nouvel album et sera en live le 25 octobre prochain pour une Release Party au Hasard Ludique à Paris, puis en tournée.

Photo du groupe Zëro

Solénothèque

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *