BUILDING INSTRUMENT

Månen, Armadillo

Hubro - mars 2025

Chronique

Dans le firmament de la musique actuelle, peu de formations savent conjuguer exploration sonore et accessibilité comme le fait Building Instrument. Le trio norvégien, composé de Mari Kvien Brunvoll, Åsmund Weltzien et Øyvind Hegg-Lunde, revient avec Månen, Armadillo, un album qui brouille les frontières entre pop onirique et avant-garde sonore. Une invitation à un voyage aussi mystique qu’inattendu, entre textures électroniques vibrantes et touches d’improvisation hypnotique.

Pochette de l'album "Månen, Armadillo" par le groupe norvégien Buiding Instrument

Derrière ce titre étrange, deux figures symboliques : la lune (månen en norvégien) et le tatou. La première, inspirante et éthérée, plane sur l’album comme une muse poétique. Le second, avec sa carapace protectrice et son intériorité vulnérable, sert de métaphore à la condition humaine. Cette dualité se retrouve dans la musique de Månen, Armadillo, qui oscille entre contrastes et superpositions. D’un côté, des mélodies cristallines portées par la voix envoutante de Mari Kvien Brunvoll ; de l’autre, une profondeur sonore nourrie de rythmiques complexes, d’effets électroniques audacieux et de sons captés aux quatre vents. Le tout crée une musique qui semble à la fois intime et cosmique, fragile et puissante.

Si la pop est présente dans l’essence de l’album, elle s’y infiltre avec un esprit mutin. Les morceaux flirtent avec des harmonies lumineuses, tout en y superposant des couches de textures mouvantes. Il en résulte une alchimie fascinante où synthétiseurs scintillants, percussions organiques et samples insolites créent un dialogue constant. Prenons Saunte, par exemple : un morceau qui démarre sur un motif de ukulélé samplé, avant d’être rejoint par une mosaïque sonore de voix traitées et de percussions déstructurées. Loin d’une démonstration gratuite de virtuosité, chaque son semble à sa place, formant un univers qui oscille entre la rêverie et l’urgence.

Derrière cette apparente liberté de composition, Månen, Armadillo est un album méticuleusement construit. Initié en réponse à une commande du festival de musique électronique EKKO en 2022, l’album a vu son processus créatif s’articuler en plusieurs phases. Des esquisses individuelles aux sessions de travail collectif, chaque morceau a subi un patient travail de transformation, enrichi par la production de Jørgen Træen. Les influences de Building Instrument y sont vastes : folk scandinave, expérimentation contemporaine, textures ambient et réminiscences de la pop minimaliste. On y entend des extraits de percussions sabar enregistrées en Gambie, des nappes de violon Hardanger samplées et des sonorités inattendues – un moteur de voiture qui cale, un glockenspiel caressé avec la légèreté d’une brise nocturne.

Månen, Armadillo est une véritable immersion sensorielle. Son univers ne se réduit pas à une écoute passive : il déploie des paysages sonores qui se découvrent avec le temps, révélant à chaque nouvelle lecture des détails insoupçonnés. Building Instrument prouve ici qu’il est possible de faire coexister expérimentation sonore et sens de la mélodie. Audacieux sans être hermétique, sophistiqué mais jamais prétentieux, cet album déjoue les attentes et ouvre les portes d’un univers sonore unique. Un tatou qui rêve sous la lune ? Il suffit d’écouter Månen, Armadillo pour comprendre que l’image n’a jamais été aussi tangible.

En programmation dans Solénoïde – Mission 236, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de BUILDING INSTRUMENT

Dans un monde où tout va trop vite, Building Instrument cultive la patience et le raffinement. Ce trio norvégien—composé de Mari Kvien Brunvoll (chant, sampler, cithare), Øyvind Hegg-Lunde (batterie) et Åsmund Weltzien (synthétiseur)—façonne une musique hors du temps, mêlant textures électroniques et acoustiques avec une sensibilité rare. Leur premier album, mûri pendant six ans, dévoile un univers onirique où le norvégien chanté par Mari Kvien Brunvoll devient un instrument à part entière. Entre percussions subtiles, sons organiques et expérimentations délicates, Building Instrument n’impressionne pas seulement : il envoûte.

Photo du groupe Building Instrument, le trio norvégien, composé de Mari Kvien Brunvoll, Åsmund Weltzien et Øyvind Hegg-Lunde

Solénothèque

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