BYRON METCALF & DASHMESH

Messages From The Deep Time

Wayfarer Music Group - Mai 2025

Chronique

Le sable rouge de l’Arizona semble murmurer lorsqu’on écoute Messages from the Deep Time. Là, dans les entrailles des âges géologiques, Byron Metcalf et Dashmesh ont creusé un puits sonore jusqu’au magma du temps. De cette excavation sonore jaillit un album comme un rite oublié, une incantation fossile transmise aux tympans modernes. Ce n’est pas simplement un disque : c’est une cérémonie.

Pochette de l'album "Messages Froim The Deep Time" par les artistes Byron Metcalf et Dashmesh

Byron, chaman du rythme, sculpte l’espace avec ses tambours comme un potier du cosmos. Ses percussions, tantôt viscérales, tantôt éthérées, vibrent au rythme d’un cœur préhistorique. Dashmesh, lui, souffle dans le didgeridoo comme dans les poumons d’un géant de pierre. Les synthétiseurs qu’il invoque sont des nappes de brume qui flottent sur un marécage d’éternité. Ensemble, ils n’illustrent pas l’histoire : ils la convoquent. Messages from the Deep Time est un palimpseste sonore où se superposent les pulsations d’un monde qui n’a jamais cessé de vibrer. C’est l’écho d’une ère qui n’a pas de nom, mais dont chaque oscillation réveille une mémoire enfouie.

En écoutant Arrival of the Earth Dragon — une des pistes centrales — on croit distinguer la reptation lente d’un monstre mythologique émergeant d’une faille tectonique. Les fréquences profondes tissent des images mentales de cavernes iridescentes et de volcans endormis. Le son devient matière, la matière devient souffle, le souffle devient vision. Il n’est pas question ici de composition linéaire. Il s’agit d’un rituel circulaire, spiralé, initiatique. Ce morceau s’ouvre dans un silence tendu, comme un souffle suspendu à l’aube du monde. Puis viennent les premiers grondements : tambours profonds, frappes espacées, lentes et délibérées — non pas rythme, mais battement d’un cœur minéral. Le didgeridoo de Dashmesh, grave, rugueux, serpente dans cet espace comme un reptile cosmique. Sa présence est continue, vibratoire, presque tellurique. Il ne s’agit pas d’un instrument ici, mais d’un canal. Chaque vibration semble extraite du ventre de la Terre. Autour, les synthétiseurs s’infiltrent, voilés, organiques. Ils n’habillent pas la composition, ils la prolongent, comme un brouillard né des pierres chaudes. Le mixage de Metcalf est chirurgical : rien ne déborde, tout résonne, envoûte. Ce 3e titre est un lent lever d’énergies. Il ne monte pas en intensité : il s’élargit. Il dilate le temps. L’auditeur n’est plus spectateur, mais participant d’un rituel sans mots. Le dragon n’arrive pas : il s’éveille, et nous avec lui. Un sommet de transe chamanique contemporaine, où chaque son semble inscrit dans la roche depuis des millénaires. On ne progresse pas à travers l’album : on s’y enfonce. Chaque piste est une strate. Chaque strate, une mémoire. Chaque mémoire, un miroir.

Ce n’est pas un hasard si Byron Metcalf est aussi thérapeute, chercheur en psychologie transpersonnelle, et initiateur de la technologie F.E.A.T.™. Sa musique ne cherche pas à divertir mais à dilater. Elle parle à ce que nous avons de reptilien et de stellaire. En intégrant ses recherches sur les états de conscience non ordinaires, il ne crée pas de la musique sur la guérison — il compose avec elle. Quant à Dashmesh, il n’est pas seulement musicien. Il est philosophe sonore. Il ne joue pas : il canalise. Chaque souffle dans son didgeridoo est un vecteur d’unité entre le minéral et l’électronique, entre le sacré aborigène et la science du son. Ensemble, ils prolongent la voie tracée dans Heart of the Deep Time et dans Dream Tracker, leur aventure initiale avec Steve Roach. Mais ici, les structures sont plus brutes, les textures plus viscérales, comme si l’on avait arraché les oripeaux du monde moderne pour replonger dans une vérité primaire, tellurique.

Messages from the Deep Time est un paradoxe vibrant : à la fois archaïque et avant-gardiste. Il ne reconstruit pas un passé romantisé, il nous projette dans un futur post-technologique où les intelligences auront appris à écouter les pierres. Dans un monde saturé de données, cet album propose autre chose : de l’écoute brute, une attention lente. Ce n’est pas une musique pour les oreilles, c’est une musique pour les cellules, pour les os, pour ce qu’il reste de primitif en nous. Et ce qui est primitif, ici, n’est pas synonyme de rudimentaire, mais de fondamental. Écouter Messages from the Deep Time, c’est se souvenir d’un rêve que l’on croyait appartenir aux autres espèces. C’est redevenir animal, végétal, minéral. C’est comprendre que le futur, en vérité, résonne depuis toujours dans les cavernes du passé.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de BYRON METCALF et DASHMESH

Byron Metcalf est bien plus qu’un musicien : il est un explorateur de la conscience, un artisan du rythme sacré et un pionnier du son transformateur. Batteur prodige dès l’adolescence, il a connu les sommets de la scène américaine avant de tourner son art vers les états de conscience élargis. Spécialiste en psychologie transpersonnelle et praticien chamanique, il crée depuis plus de trois décennies une musique destinée à l’exploration intérieure, à la guérison et à la transformation. Sa discographie, riche et acclamée, unit percussions tribales, recherches scientifiques et traditions sacrées pour créer des œuvres puissantes, à la fois archaïques et visionnaires.

Dashmesh Khalsa est un tisseur d’univers, un passeur d’énergies sonores entre les mondes. Musicien et guérisseur sonore, il fait dialoguer les traditions ancestrales et les textures électroniques dans une quête d’unité culturelle et spirituelle. Son souffle profond dans le didgeridoo et ses paysages synthétiques résonnent comme des ponts entre les continents de l’âme. Collaborateur de figures emblématiques comme Bill Laswell, Steve Roach ou Byron Metcalf, Dashmesh développe une vision musicale où chaque vibration devient prière, chaque note, rituel.

Photo de l'artiste Byron Metcalf dans son studio avec ses tambours

Solénothèque

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