CRAVEN FAULTS

Bounds

The Leaf Label - novembre 2024

Chronique

Avec Bounds, Craven Faults nous invite à embarquer dans un périple sonore et imaginaire à travers le nord de l’Angleterre. Cet album de 37 minutes, en quatre mouvements hypnotiques, transcende le simple exercice musical pour devenir une cartographie des marges — physiques, culturelles et historiques. 

Pochette de l'album "Bounds" par l'artiste Craven Faults

Fidèle à son habitude de mêler ambiances électroniques minimalistes et inspiration géographique, Craven Faults explore cette fois les frontières, les ruines et les récits d’un paysage façonné par le temps et l’industrie.

L’album semble débuter sur un point incertain, quelque part au nord-ouest d’une ville que l’on devine être Leeds. Peut-être est-ce près d’un ancien pilier en grès, détruit puis déplacé il y a deux siècles ? Ou près des vestiges d’un tarn vidé de ses eaux en 1940 pour protéger une industrie critique ? Ces repères, réels ou imaginaires, ne sont qu’un prétexte pour nous propulser dans une dérive auditive où le passé et le présent s’entrelacent. Le premier morceau, Long Stoop, est une sorte de lever de rideau. Ses 4 minutes et 5 secondes évoquent un rassemblement au crépuscule, où les textures sonores s’entrelacent doucement, comme un prélude à la traversée.

Avec Groups Hollows et ses neuf minutes méditatives, Craven Faults accélère doucement le rythme. Le voyage quitte les échos de l’industrie pour flotter au-dessus des landes. Les motifs répétitifs et hypnotiques, un hommage évident aux pionniers de Düsseldorf et Cologne des années 70, instaurent un équilibre entre contemplation et mouvement. À ce stade, l’auditeur perd toute notion d’échelle. Les sons semblent vastes, comme des plaines infinies, mais restent aussi intimes qu’une respiration.

Lampes Mosse, le troisième acte, nous pousse encore plus loin. Ce morceau de cinq minutes et quarante-deux secondes nous entraîne dans une exploration de zones où la mélodie s’efface pour céder la place à des éclats de dissonance et de tension. La sensation est celle d’une errance entre des frontières invisibles, des lieux oubliés, mais chargés d’histoire.

Le point culminant, Waste & Demesne, est une épopée de 18 minutes. Ici, Craven Faults réunit toutes les composantes de son art : des boucles hypnotiques, des textures analogiques et une touche d’improvisation qui confère au morceau une vie propre. C’est un hommage aux transformations des terres du nord, aux lignes de propriété tracées à l’encre des siècles passés, et à l’érosion lente qui efface les frontières humaines. Le morceau semble flotter entre le tangible et l’abstrait. Les paysages sonores, d’abord structurés, se dissolvent peu à peu dans une mer de réverbérations et de pulsations. L’auditeur est laissé dans un état suspendu, comme s’il avait atteint une colline où la vue s’étend à l’infini, sans limites définies.

Avec Bounds, Craven Faults ne fait pas qu’explorer les frontières physiques. Il questionne la façon dont nous construisons des récits à partir de lieux, de souvenirs et de vestiges. En s’appuyant sur une instrumentation minimaliste et des structures répétitives, il transforme ces fragments de géographie et d’histoire en une œuvre universelle et introspective. En fin de compte, Bounds est une invitation à se perdre pour mieux se retrouver, une évasion sonore qui repousse les limites entre musique et paysage. Tout comme les landes du Yorkshire qu’il célèbre, l’album est à la fois austère et étrangement réconfortant. Craven Faults prouve, une fois de plus, qu’il est l’un des conteurs les plus captivants de l’électronique contemporaine.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de CRAVEN FAULTS

Craven Faults est un artiste et producteur électronique britannique qui transforme le paysage sonore en une expérience sensorielle profonde. Inspiré par les vastes panoramas du Yorkshire, où il réside, et par les mouvements tels que le Krautrock et l’ambient, il tisse des compositions longues et hypnotiques mêlant synthétiseurs analogiques, enregistrements de terrain et une touche d’étrangeté électronique. Son pseudonyme, emprunté au système géologique des Craven Faults dans les Pennines, incarne le lien entre son art et les géographies physiques et émotionnelles du Nord de l’Angleterre.
 

Depuis ses débuts mystérieux en 2017 avec Netherfield Works, Craven Faults a cultivé un univers énigmatique et minimaliste. Ses albums, tels que le magistral Erratics & Unconformities (2020) et l’hypnotique Standers (2023), sont salués pour leur profondeur immersive, qualifiés de joyaux par la critique. En live, il transcende son univers sonore : ses débuts en 2023 au Thwaite Watermill, dans une ambiance intimiste, témoignent de cette communion singulière entre musique et espace. Avec chaque sortie, comme l’exploratoire Bounds en 2024, il invite son auditoire à s’aventurer dans un voyage intérieur et géographique, redéfinissant les marges de la culture électronique contemporaine.

Photo de l'artiste Craven Faults

Solénothèque

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