DESACCORD MAJEUR

Les primordiaux Crépusculaires

taâlem - février 2024

Chronique

Plonger dans Les Primordiaux Crépusculaires, c’est arpenter un territoire musical aux reliefs mouvants, un espace où les sons se diluent et se recomposent, révélant un paysage insaisissable et pourtant singulièrement cohérent. Cette compilation, rassemblant des fragments inédits et des compositions créées entre 2017 et 2021, nous invite à redécouvrir le parcours d’un architecte du son en perpétuelle mutation : Désaccord Majeur.

Pochette de la compilation "Les Primordiaux Crépusculaires" par Désaccord Majeur

Derrière ce pseudonyme énigmatique se cache Jérôme Mauduit, artisan sonore dont l’œuvre s’étend depuis les années 80. Initialement immergé dans un univers où l’ethno-ambient se mêlait aux textures industrielles et aux résonances telluriques, il a su tisser des labyrinthes sonores où l’on progresse comme dans un rêve éveillé. Après une période de silence, son retour progressif s’est fait au gré des circonstances, notamment par le biais des expositions de Sophie Videgrain, plasticienne et compagne du musicien. Cette collaboration semble avoir nourri une nouvelle approche, plus épurée et contemplative, où la musique devient une expérience sensible qui dialogue avec l’espace et l’instant.

Les Primordiaux Crépusculaires se présente comme un double CD en édition limitée, un écrin sobre et précieux pour des pièces qui, chacune à leur manière, témoignent d’une alchimie sonore subtile. La composition s’y déploie en flux circulaires, en pulsations organiques où chaque note s’érode et se reforme dans une continuité hypnotique. Les titres eux-mêmes suggèrent une plongée dans des territoires oubliés, des espaces où la mémoire et l’imaginaire tissent des liens secrets : Les lois du cercle, Mimèsis, Nomos, ou encore Noun et Zemi.

Là où autrefois les boucles s’entremêlaient dans une trame dense, sculptée par des influences ambient et post-industrielles à la manière de :zoviet*france:, O Yuki Conjugate ou Muslimgauze, Désaccord Majeur semble aujourd’hui privilégier une écriture plus linéaire, moins marquée par l’entrelacs de motifs répétitifs. L’écoute se fait alors plus immersive encore, une dérive à travers des formes évanescentes qui semblent s’étirer dans le temps comme des ombres sur la paroi d’une caverne.

Si l’œuvre de Désaccord Majeur conserve cette science du détail et de l’équilibre – où chaque texture, chaque souffle sonore trouve sa place dans une architecture quasi végétale – elle n’en est pas moins traversée d’éclats inattendus. On y devine des ébauches mélodiques discrètes, des réminiscences de cordes frottées, des fragments de voix fantomatiques. La matière sonore se déploie comme un écho à la fois archaïque et futuriste, un palimpseste où les sons naturels et électroniques fusionnent pour créer un espace qui semble hors du temps.

Le titre même de la compilation – Les Primordiaux Crépusculaires – évoque cette tension entre l’origine et la fin, entre la naissance et la dissolution. Chaque morceau s’inscrit ainsi dans une dynamique de transformation, où la musique devient un fluide en perpétuel mouvement. L’auditeur, loin d’être un simple spectateur, devient le marcheur d’un territoire sonore en constante métamorphose. Cette œuvre, en somme, est une invitation à explorer l’invisible, à écouter le silence entre les sons, à s’abandonner à une cartographie sensorielle qui n’existe que dans l’instant de l’écoute. Avec cette compilation, Désaccord Majeur ne propose pas seulement un retour à ses racines, mais bien une avancée vers d’autres formes, d’autres structures, d’autres langages encore à déchiffrer. Une traversée musicale où l’inconnu devient une destination en soi.

En programmation dans Solénoïde – Grande Boucle 58, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

Solénothèque

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