Dès les premières notes de Meandering, on sent un frisson nous parcourir, comme si chaque vibration était une onde sur l’eau, une brise effleurant une fleur séchée. Hara Alonso s’affranchit de la tyrannie du visuel et de la logique linéaire pour nous plonger dans un univers tactile, un espace où le son devient une caresse, une onde sensorielle qui s’immisce entre nos perceptions.

Enregistré entre Gotland, Stockholm et San Esteban de Nogales, touch•me•not est une invitation à réapprendre le monde par les sensations. Avec la contrebasse vibrante de Ville Bromander, les percussions organiques de Ryan Packard et la voix enveloppante d’Ellen Söderhult, Alonso compose un paysage où l’écoute devient une immersion totale. Entre enregistrements de terrain, piano préparé et nappes électroniques, elle tisse une toile où le son ne se limite plus à une simple onde, mais à une matière mouvante qui se plie et se déploie autour de nous.

Dans son essence, touch•me•not résonne avec l’idée de « correspondance » formulée par Swedenborg au XVIIIe siècle et sublimée par Baudelaire dans son poème Correspondances. Comme dans une hallucination synesthésique, chaque piste invite à une permutation des sens. Millions Of Other Suns évoque un halo lointain, une lumière intangible qui palpite comme une mélodie suspendue. Covered In Noise sature l’espace sonore pour mieux nous perdre dans un vertige auditif. Veins (Veils) semble murmurer à travers la peau, comme si chaque note était un vaisseau irriguant une mémoire tactile oubliée.

Pianiste, compositrice et exploratrice sonore, Hara Alonso déploie depuis plusieurs années un art qui dépasse le simple champ de l’audible. Avec une approche hybride, mêlant techniques avancées de piano, pratiques somatiques et traitement du signal, elle insuffle à sa musique une énergie singulière, qualifiée de ‘power ambient électronique lugubre et bouillonnante‘.

Son univers sonore, oscillant entre textures granuleuses et pulsations minimales, s’est déjà imposé sur les scènes de festivals prestigieux comme MUTEK, Sound of Stockholm ou encore la Berlin Arts Week. De son premier EP Pianoïse à l’expérimental Somatic Suspension, en passant par le free jazz de Ritual para acercarse, Alonso repousse sans cesse les limites de la perception musicale. Avec touch•me•not, elle nous offre une réflexion délicate et radicale sur notre rapport au monde, une invitation à abandonner la suprématie du visuel pour nous laisser guider par le frisson du son. Dans un monde en quête de réenchantement, cet album est un rappel que toucher et être touché ne se limitent pas à l’épiderme : c’est aussi une expérience intime, un espace d’écho où la musique devient chair et souffle.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !