Mortelle Randonnée, le collectif audacieux de Toulouse, frappe un grand coup avec La Reine Uphone. Cet album, dont le titre se dévoile comme un jeu de mots renversant (No Funeral en verlan), est bien plus qu’un simple hommage à Carla Bley, l’icône du jazz libre récemment disparue. C’est un cabinet de curiosités sonores où se croisent le rock pataphysique, des chansons avant-pop et un jazz déviant, le tout sublimé par une liberté artistique contagieuse.
Mortelle Randonnée, c’est avant tout une équipe de créateurs inclassables : Sébastien Cirotteau (trompette, claviers, voix), Andy Lévêque (saxophone alto, flûte, basse), Benjamin Glibert (guitare électrique, percussions, voix), Clem Thomas (batterie, ukulélé, voix), et Karen Mantler, chanteuse américaine et fille de Carla Bley, qui prête sa voix sur plusieurs titres. Ensemble, ils revisitent et transfigurent l’esprit de Bley, non pas en la copiant, mais en s’inspirant de son amour pour l’expérimentation.
Les dix titres de l’album, tels des chapitres d’un abécédaire musical décalé, explorent des univers éclectiques : un cauchemar électronique, une aventure dans un multivers peuplé d’ânes atonals, ou encore des rencontres avec des oiseaux caucasiens imaginaires. Chaque morceau est une invitation à la découverte, une pièce de puzzle contribuant à un kaléidoscope sonore éblouissant.
Parmi les joyaux de l’album, le morceau Ce maudit volcan se distingue. Inspiré par l’éruption volcanique de 2010 qui avait cloué Karen Mantler à l’aéroport de Reykjavik, cette chanson traduit en français l’ennui et l’ironie de l’attente. La voix stoïque de Mantler se mêle à une ambiance cold-jazz brumeuse, évoquant un tapis roulant sans fin, éclairé par des flashes de lumière synthétique. Le collectif réussit ici un exploit : transformer une anecdote banale en une expérience sonore captivante, à la fois facile à ignorer et impossible à oublier, pour paraphraser Brian Eno.
La Reine Uphone s’inscrit dans une démarche profondément iconoclaste. Mortelle Randonnée s’affranchit des formats habituels pour offrir un projet protéiforme où chaque membre chante et joue avec une audace jubilatoire. L’influence de Carla Bley transparaît dans cet amour des formes musicales éclatées, nourries de rock, de free jazz, et d’un goût prononcé pour le théâtre sonore.
Les emprunts à Kurt Weill, les motifs répétitifs hypnotiques et les changements de règles constants rappellent aussi les expériences d’autres collectifs novateurs comme l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp ou Aquaserge. Mais Mortelle Randonnée impose une identité propre, pleine de second degré et d’humour tendre, à l’image des jeux de mots qui parsèment l’album.
La Reine Uphone n’est pas une simple relecture de l’œuvre de Carla Bley. C’est une déclaration d’amour à la musique, sous toutes ses formes, et à la liberté qu’elle inspire. Le collectif Freddy Morezon signe ici une œuvre qui dépasse les hommages convenus pour s’affirmer comme une aventure sonore totale, où l’irrévérence se conjugue à une grande sensibilité artistique.
En somme, cet album est une plongée dans un univers où tout semble possible : des tortues jazz au chaos harmonieux d’un oiseau étrange. La Reine Uphone est un disque à écouter comme on feuillette un grimoire enchanteur, où chaque page révèle un secret musical. Mortelle Randonnée nous invite à un voyage dont on ne revient pas indemne, et c’est tant mieux.
Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !
Mortelle Randonnée, c’est l’histoire de quatre musiciens toulousains du collectif Freddy Morezon qui revisitent l’univers de Carla Bley avec audace et finesse. Porté par le trompettiste Sébastien Cirotteau, connu pour ses projets innovants comme Sweetest Choice ou Sikania, le groupe réunit Benjamin Glibert (guitare électrique, Aquaserge), Andy Lévêque (saxophone, Mister Bishop) et Clem Thomas (batterie).
Entre hommage et réinvention, leur musique mêle puissance pop, textures inventives et improvisations audacieuses. Chaque morceau est une invitation à l’exploration, un chemin musical sinueux et exaltant qui sublime les compositions de Carla Bley et de sa fille Karen Mantler, rencontrée lors d’une résidence. Mortelle Randonnée, c’est une aventure sonore à ne pas manquer.