Certains albums, comme des météorites, frappent sans prévenir et laissent derrière eux un cratère que le temps peine à combler. Quinze ans après sa sortie initiale, l’album J’ai rien compris mais je suis d’accord de NonStop fait un retour en force avec une réédition vinyle qui promet de raviver l’intensité de ce brûlot musical.
Ce deuxième opus, sorti en 2009, illustre à la perfection le mariage improbable mais fascinant entre un hip-hop expérimental brut et une poésie noire et surréaliste, signée Frédo Roman.
Quand on écoute J’ai rien compris mais je suis d’accord, on réalise que cet album ne ressemble à aucun autre. Entre uppercuts verbaux et mélodies tranchantes, Frédo Roman manie les mots comme un boxeur cogne sur un sac : sans concession et avec une précision désarmante. Soutenu par une équipe de choc – Serge Teyssot-Gay (Zone Libre, ex-Noir Désir), Henning Specht (Hypnolove) aux synthés, Denis Degioani (Diabologum) à la réalisation – l’album traverse les genres et les époques sans jamais s’essouffler.
Le résultat ? Un concentré explosif où se mêlent des rythmes hip-hop industriels, des guitares abrasives et une ambiance sonore presque cinématographique. Chaque titre est une claque auditive, du percutant Robot à la Viande (avec Arnaud Michniak, ex-Programme) au sarcastique Les refrains c’est des tours de rond-point. Loin de toute structure classique, les morceaux forment un patchwork sonore et textuel d’une richesse inégalée.
Les textes de NonStop naviguent entre absurdité et critique sociale acerbe. Ils nous plongent dans une exploration sans filtre de la souffrance mentale, de l’isolement et de la déshumanisation. Loin des récits linéaires, chaque morceau fonctionne comme un inventaire de pensées brutes, un flux de conscience qui met en lumière les fractures de notre société.
Dans Plus on me rassure et plus je crie, Frédo Roman dissèque les injonctions contradictoires de la modernité. Avec des phrases comme je cherche des regards comme de l’eau sur Mars, il pointe un sentiment d’absurde universel, celui d’un monde qui, tout en prétendant nous rapprocher, n’a jamais été aussi distant.
Le 8 novembre 2024, Ici d’Ailleurs a offert une seconde vie à cet album avec une réédition en double vinyle enrichie d’une face D contenant six titres live enregistrés aux Eurockéennes de Belfort en 2006. Cette initiative arrive à point nommé, dans un monde où les thèmes explorés par NonStop – désorientation, aliénation, absurdité – sont plus pertinents que jamais.
Ces morceaux live, tels que S’en sortir pour aller où et Idiot cherche village, mettent en lumière une autre facette du groupe : leur puissance scénique, capable de transcender l’écoute intime pour happer l’audience dans une transe collective.
En 2009, NonStop diagnostiquait déjà les dérives d’une société qui, quinze ans plus tard, semble avoir intensifié ses contradictions. Avec cette réédition, l’album reprend sa place dans une conversation musicale et sociale toujours en cours. Loin d’être figée dans le passé, cette œuvre frappe par sa modernité visionnaire.
Et si le titre de l’album, J’ai rien compris mais je suis d’accord, résumait finalement notre époque ? Celle d’un trop-plein d’informations qui nous abrutit autant qu’il nous alimente. NonStop ne cherche pas à simplifier ou à expliquer ; il préfère amplifier les paradoxes, les jeter à nos pieds et nous laisser le soin de les assembler.
Avec cette réédition vinyle, NonStop nous rappelle que certains albums ne vieillissent jamais. Ils évoluent, prennent de nouvelles significations et continuent de défier notre compréhension. J’ai rien compris mais je suis d’accord est de ceux-là : une œuvre inclassable, indispensable, qui résonne plus fort que jamais dans le tumulte de notre monde.
Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !
NONSTOP, c’est Frédo Roman, un artiste qui sculpte la folie et la met en musique. Avec son accent toulousain brut de décoffrage, il scande, déclame, et frappe ses mots comme des coups de poing. Entre poésie urbaine désenchantée et rythmiques éclatées mêlant hip-hop, rock et techno, il s’impose comme une voix unique, dérangeante mais nécessaire. Incisif et abrasif, son univers sombre est pourtant saupoudré d’un humour noir et cynique qui désamorce la gravité de ses propos. Imaginez Michaux qui rencontre Coluche dans une ruelle sonore. NONSTOP, c’est ça : un uppercut qui fait rire avant de faire mal.