Dans l’univers tortueux et insoumis de la musique expérimentale, rares sont les groupes à avoir marqué de leur empreinte l’abîme sonore comme PainKiller. Après un long sommeil, le trio infernal, composé du saxophoniste John Zorn, du bassiste Bill Laswell et du maître des textures électroniques Mick Harris, s’est réveillé en 2024 avec Samsara, un album qui signait un retour fracassant. Aujourd’hui, ils poussent l’expérience encore plus loin avec The Equinox, une offrande incantatoire inspirée des mysticismes d’Aleister Crowley, où s’entrechoquent free jazz, grindcore, noise et abstractions électroniques dans un vortex d’énergie brute.
Avec The Equinox, PainKiller ne se contente pas d’explorer les confins de l’expérimentation sonore : il les dynamite. Dès les premières notes de The Wizard Way, l’auditeur est précipité dans un tunnel labyrinthique où les explosions bruitistes de Zorn s’écharpent avec les basses telluriques de Laswell, tandis que Harris orchestre un déluge de textures sonores crépitantes. Chaque morceau est une incantation, un rite chamanique où l’énergie tribale du grindcore fusionne avec la frénésie syncopée du free jazz et l’âpreté d’une musique industrielle cybernétique.
L’ambiance évolue en permanence : Forks in the Road est une errance hypnotique où la basse distordue sert de guide dans un monde d’échos spectraux, tandis que Panormita surgit comme une convocation de démons digitaux, alimentée par des fréquences saturées et des nappes électroniques menaçantes. L’approche orchestrale du trio atteint son paroxysme avec Ave Adonai, pièce aux allures de requiem cyberpunk où la tension semble suspendue dans un espace-temps fracturé.
PainKiller est, depuis ses débuts, un projet où l’improvisation et la fusion de genres sont poussées à leur extrême. The Equinox ne fait pas exception. L’album déploie une architecture sonore dense, alternant entre chaos millimétré et moments de suspension presque méditatifs, qui rappellent l’influence du dub et des musiques ambient dans le parcours de Laswell.
Les percussions traditionnelles ont disparu au profit d’un déferlement de textures électroniques, laissant place à une dynamique différente mais tout aussi viscérale. Harris, anciennement batteur, manie désormais des machines infernales, distillant des paysages sonores post-apocalyptiques qui résonnent comme des échos d’un monde en déliquescence.
Ceux qui ont suivi la trajectoire de PainKiller savent que le groupe ne fait jamais les choses à moitié. Annoncé comme la seconde pièce d’une trilogie, The Equinox marque une étape charnière dans cette nouvelle phase du trio. L’album n’est pas seulement une démonstration de virtuosité – c’est une œuvre qui s’écoute comme un voyage initiatique, un plongeon dans un inconnu fascinant et terrifiant à la fois. L’ombre de Crowley plane sur chaque note, chaque interstice de silence et chaque détonation sonore. Il y a quelque chose de rituel, presque ésotérique, dans la manière dont Zorn, Laswell et Harris sculptent leur chaos. Une fois l’expérience terminée, il ne reste qu’une seule certitude : The Equinox est un passage, un seuil franchi vers un univers encore plus insaisissable. Reste à voir ce que PainKiller nous réserve pour la conclusion de cette trilogie qui s’annonce déjà comme un monument de la musique extrême et avant-gardiste.
En programmation dans Solénoïde – Mission 235, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !
PainKiller, c’est l’alchimie radicale de trois figures iconoclastes : John Zorn, Bill Laswell et Mick Harris. Né en 1991, ce trio insaisissable dynamite les frontières entre free jazz, grindcore, noise et dub, sculptant un chaos sonore d’une intensité inouïe. Entre improvisation fulgurante et brutalité métallique, leur musique est une expérience sensorielle totale, où le saxophone de Zorn lacère, la basse de Laswell hypnotise et les pulsations électroniques de Harris enveloppent l’auditeur dans un maelström abyssal. Après une longue hibernation, le monstre s’est réveillé en 2024, plus sombre et expérimental que jamais. PainKiller n’est pas un simple groupe : c’est un rituel sonore.