POUVOIR MAGIQUE

Cycles

Jarring Effects - Février 2025

Chronique

Fermez les yeux. Ce que vous entendez n’est pas une simple musique. C’est une constellation. Une mémoire oubliée. Un monde ancien qui se réveille dans les battements d’un tambour chamanique et les nappes synthétiques d’un vaisseau sonore. C’est l’univers de Pouvoir Magique, et vous venez d’entrer dans Cycles.

Pochette de l'album "Cycles" par l'artiste Pouvoir Magique alias Clément Vincent.

L’œuvre hypnotique de Pouvoir Magique – alias Clément Vincent – ne se contente pas d’exister dans l’espace audio : elle invoque, convoque, réveille. C’est un miroir liquide dans lequel nos reflets se brisent et se recomposent. Une odyssée intérieure qui prend les habits d’une épopée galactique. Une transe tribale qui dialogue avec l’électro, entre rite ancien et technologie futuriste.

Sous la pulsation de ses kicks telluriques et les textures moirées de synthés organiques, Cycles remue quelque chose d’antique. On croit entendre des chants oubliés sur des montagnes noyées de brume, sentir la chaleur d’un feu sacré au milieu d’un désert digital. Chaque morceau devient un talisman, chaque motif sonore un glyphe magique à décrypter. Il y a ici la trace d’un enfant qui, très tôt, a plongé dans les mondes de Tolkien et d’Harry Potter. Et cet enfant n’a jamais quitté les commandes. Il est devenu alchimiste, forgeant ses sortilèges dans les laboratoires du conservatoire et les temples sombres de l’électro expérimentale. Il a lu Jung, il a dansé avec Joseph Campbell, et il est revenu avec un savoir ancien qu’il transmet aujourd’hui à travers ses machines.

Mais Cycles n’est pas seulement une fiction sonore. C’est aussi une autobiographie cryptée. Un secret révélé à 25 ans – celui d’une naissance par PMA – a frappé l’artiste comme la foudre. Ce choc, cette fêlure, irrigue l’album en profondeur. Duspärdicherma parle de racines inconnues ; Mysterious Source, d’un père fantôme ; Burning Man, d’un feu intérieur jamais éteint. Pouvoir Magique n’évoque pas ses origines en pleurant, mais en dansant. Il trace ses cicatrices dans la poussière d’un dancefloor imaginaire, sous un ciel où brillent des étoiles parentes. Il dit : ‘Nous venons des étoiles’. Et sa musique le prouve.

Pensé comme une progression narrative, Cycles suit la structure du voyage du héros. L’auditeur y incarne un avatar qui avance, chute, affronte, renaît. On entre par une porte d’innocence avec Fantastic Child, rituel d’ouverture lumineux et chantant, premier single sorti en avril 2024. Puis la lumière décline, les basses s’assombrissent, les percussions deviennent armes. L’épreuve. La nuit. Les ombres. Mais au bout du tunnel, il y a un autre soi. Chaque titre est un niveau, chaque clip un portail. Réalisés par l’artiste lui-même, les visuels prolongent l’expérience et ouvrent un autre front, celui de l’œil. On y voit des totems, des créatures-lumières, des paysages rêvés – autant d’archétypes qui forment le panthéon intime de l’artiste.

Ce n’est pas un hasard si Pouvoir Magique s’est formé à la fois au conservatoire et dans une école de cinéma. Sa musique ne se contente pas de sonner : elle voit, elle invoque. Le live en est la preuve : sur scène, l’artiste porte un costume mi-héros, mi-démon ; ses bagues commandent la musique ; son bâton fait jaillir la foudre ; son tambour fait vibrer la salle comme une cathédrale païenne. Entre spectacle vivant et club de sorcellerie, c’est un sabbat moderne.

Cycles est un paradoxe : à la fois ancré et flottant, tellurique et stellaire. Il emprunte à la musique électronique sa puissance physique, et au sacré sa profondeur symbolique. On pense à la techno rituelle d’Avalon Emerson, aux échappées mystiques de Björk, à la science-fiction sonore de Floating Points. Mais Pouvoir Magique n’imite pas. Il synthétise. Et ce qu’il synthétise, c’est une croyance : que la musique peut encore guérir, révéler, transcender. Que sous le vacarme du monde moderne, il y a des tambours anciens qui continuent de battre. Que l’art peut être une arche, une médecine, une passerelle entre les mondes.

Cycles se dit aussi bien en français qu’en anglais. Il signifie l’éternel retour, le recommencement sacré. L’album de Pouvoir Magique est tout cela à la fois : une fin et un début. Une danse pour exorciser nos fantômes et une conjuration pour accueillir nos futurs. Une quête, une offrande, un sortilège sonore.

Fermez les yeux. Entrez dans Cycles. Vous ne serez plus tout à fait le même à la sortie.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !

A propos de POUVOIR MAGIQUE

Pouvoir Magique, alias Clément Vincent, est un producteur, compositeur et vidéaste français au croisement de l’électronique, des musiques tribales et du cinéma fantastique. Membre fondateur du collectif Mawimbi, il développe depuis plusieurs années un univers sensoriel singulier, mêlant percussions chamaniques, bass music et imagerie mystique. Formé au conservatoire en musiques actuelles et en électroacoustique, ainsi qu’en cinéma à Paris, il fusionne sons et images pour créer des œuvres totales, entre transe et conte moderne. Avec Cycles, son premier album solo sorti sur Jarring Effects, il signe une odyssée sonore introspective et mythologique, affirmant sa vision d’une musique électronique spirituelle, immersive et profondément humaine.

Photo de l'artiste Pouvoir Magique alias Clément Vincent

Solénothèque

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *