Né dans un petit village transylvanien au cours d’un atelier atypique, ce projet collectif repose sur une quête commune : révéler les dialogues enfouis entre des répertoires traditionnels du monde entier. Ferenc Ségercz, avec sa collection impressionnante d’instruments à vent traditionnels comme le kaval ou le telenka, y apporte une authenticité enracinée dans les profondeurs de la Transylvanie. Ses talents d’interprète et d’arrangeur insufflent une nouvelle vie aux mélodies folkloriques, où l’improvisation devient une seconde nature.

Mohamad Zatari, oudiste syrien et fervent défenseur de la décolonisation musicale, insuffle au projet une sensibilité empreinte de ses racines d’Alep. À travers son oud, il fait dialoguer l’héritage arabe avec les idiomes contemporains, tout en déconstruisant les cadres occidentaux dominants. Son approche, à la fois politique et poétique, résonne profondément dans des morceaux comme Oud Solo et Jurjunah, où chaque note semble contenir une histoire millénaire.

Lehel Vitályos, contrebassiste virtuose, complète le tableau avec une énergie jazz contagieuse. Son instrument devient un ancrage rythmique tout autant qu’un moteur mélodique, comme en témoigne l’élégance captivante de Blurry Thoughts. Explorateur infatigable, il parvient à transformer des structures complexes en terrains d’expérimentation vivants, mêlant subtilité et force brute.

Les dix morceaux de Dawn ne se contentent pas de célébrer les individualités des trois musiciens ; ils témoignent d’un effort collectif pour créer des textures sonores profondément organiques. L’ouverture, Karshilama, plante un décor à la fois riche et intrigant, où des cordes asymétriques invitent à la découverte. La pièce maîtresse, Dawn, agit comme un pivot lumineux, une méditation sonore qui révèle une palette d’émotions allant de la sérénité à l’émerveillement.

Dans Desire et In Bulgarian Rhythm, l’auditeur est transporté au carrefour des Balkans et du Proche-Orient, où les mélodies complexes se mêlent aux cadences effrénées. No Space to Waste, plus minimaliste, offre un moment de réflexion, tandis que Topogó – Pe loc déploie une énergie tribale irrésistible, mêlant cordes et flûte dans une transe moderne. Enfin, Hejgetés, avec ses accents transylvaniens prononcés, clôture l’album sur une note à la fois nostalgique et vibrante.

Ce qui distingue véritablement Dawn, c’est son invitation à l’écoute active. Chaque morceau semble conçu comme un espace ouvert où les auditeurs peuvent se perdre, réfléchir et rêver. Les musiciens, loin de livrer une œuvre figée, nous rappellent que l’improvisation est un art de l’instant, un dialogue continu avec le passé, le présent et l’inconnu. Avec Dawn, le Ségercz Zatari Vitályos Trio transcende les frontières géographiques et culturelles pour offrir une expérience universelle, à la croisée des sensibilités humaines. Que vous soyez amateur de jazz, passionné de musique traditionnelle ou simple curieux, cet album est une invitation à redécouvrir le monde avec des oreilles neuves. L’aube d’une nouvelle harmonie est arrivée.

Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !