Il est des albums qui ne se contentent pas d’être écoutés, mais qui s’expérimentent, qui se vivent comme des traversées sensorielles. Speilstillevariasjoner, le nouvel opus de Stein Urheim, appartient à cette catégorie rare d’œuvres sonores qui repoussent les limites de l’audible, transformant chaque écoute en une exploration immersive.
Publié sous l’égide du label norvégien HUBRO, cet album est le fruit d’une collaboration foisonnante entre des musiciens aux horizons aussi divers qu’audacieux. On y retrouve Ikue Mori et ses paysages électroniques mouvants, le saxophone brumeux de Sam Gendel, le violon vibrant de Hans Kjorstad, la batterie subtile et les inflexions vocales de Siv Øyunn Kjenstad. Au centre de ce tourbillon sonore, Stein Urheim tisse une matière musicale où s’entrelacent guitares modifiées, ronroco, tampoura et expérimentations électroniques.
Dès les premières mesures, Speilstillevariasjoner agit comme un miroir sonore aux reflets insaisissables. Chaque morceau semble flotter entre des dimensions multiples : on croit percevoir une résonance de folk scandinave, puis une arabesque microtonale s’invite, chahutée par un motif électronique sinueux. Urheim orchestre ici un ballet d’accords non conventionnels, où sa guitare sans frettes se fait caméléon, glissant entre blues spectral, jazz libre et textures bruitistes, avec une aisance confondante.
L’interaction entre les musiciens est un dialogue constant, tantôt feutré, tantôt explosif. Le violon de Kjorstad trace des spirales oniriques tandis que les impulsions électroniques d’Ikue Mori transforment l’espace en un laboratoire sonore. On oscille entre l’épure et la profusion, entre des instants d’introspection suspendue et des éclats sonores à la lisière du chaos maîtrisé.
Mais au-delà de son approche expérimentale, cet album brille par sa dimension poétique. Il convoque des images mentales éclatantes : un paysage brumeux au petit matin, une danse fugace sous une lumière rasante, le clapotis hypnotique d’une eau dormante troublée par une brise furtive. Les field recordings subtilement distillés renforcent cette sensation de voyage intérieur, ancrant la musique dans une matière vivante et palpable. Avec Speilstillevariasjoner, Stein Urheim ne se contente pas de repousser les frontières de son art : il nous invite à lâcher prise, à abandonner nos repères familiers pour mieux nous perdre dans ce labyrinthe d’harmonies inédites. C’est un album qui ne se dévoile pas immédiatement, mais qui, à chaque écoute, révèle de nouvelles strates, de nouveaux sentiers secrets. Un disque-monde, où l’aventure sonore n’a de cesse de se réinventer.
En programmation dans Solénoïde – Mission 235, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !
Stein Urheim est un explorateur sonore dont la guitare est la boussole. Depuis plus de dix ans, ce musicien originaire de Bergen tisse des paysages sonores singuliers au sein du label HUBRO, tant en solo qu’aux côtés d’artistes comme Erlend Apneseth, Benedicte Maurseth ou encore Mari Kvien Brunvoll. Lauréat du prix Vossajazz en 2010, il s’illustre dans des projets audacieux, du duo onirique avec Brunvoll à ses collaborations éclectiques avec The Last Hurrah, Gabriel Fliflet ou Thea Hjelmeland. Entre jazz, folk et expérimentations atmosphériques, Urheim défie les genres et invite à la contemplation.