Avec Un Être Humain Ordinaire, Ümlaut, alias Jeff Düngfelder, nous invite à un voyage introspectif, une traversée sonore où les frontières entre le connu et l’inexploré se dissolvent. La pochette de l’album, énigmatique et contemplative, semble poser une question essentielle : à la limite de quoi se tient cet être humain ordinaire ? Cette interrogation devient le fil rouge d’un album qui navigue entre hasard maîtrisé et poésie sonore.
Chaque titre de l’album est un fragment d’un puzzle où la méthodologie artistique de Düngfelder s’impose avec une précision chirurgicale. Les morceaux, bien que façonnés par des processus numériques et des manipulations électroniques, restent profondément enracinés dans une exploration organique. Ici, l’accident est absent : chaque texture, chaque souffle sonore semble avoir été pensé pour mener l’auditeur à un lieu précis – un monde intérieur où l’intimité coexiste avec des paysages sonores vastes et mystérieux.
Des synthétiseurs éthérés se mêlent à des enregistrements de terrain : des bruits d’oiseaux, des cloches lointaines ou encore l’écoulement fluide de l’eau évoquent des espaces tantôt réels, tantôt imaginés. Ces éléments, subtilement superposés, créent un effet d’immersion totale. L’album, tel un tableau impressionniste, suggère plus qu’il ne montre, laissant à l’auditeur le soin de combler les vides entre les sons granuleux et les ambiances minimales.
Düngfelder, fidèle à son approche électroacoustique minimaliste, explore dans cet album la relation complexe entre musique et silence. À travers des titres comme Until We Became Nothing ou Everything Is Appearing On Its Own, il capte l’essence fugace des instants suspendus, ces moments où le bruit du monde s’efface pour révéler une pureté sonore brute.
Le morceau Poème illustre parfaitement cette démarche. Les bruits de vinyles rayés et les cloches au lointain évoquent une sensation d’étrangeté, une plongée dans des dimensions parallèles où chaque son devient une porte vers une réalité alternative. Cette maîtrise des microstructures sonores fait de l’album une expérience auditive aussi belle qu’isolée, oscillant entre tension et sérénité. Les morceaux tels que La Mer Gelée et Pour Un Moment incarnent des explorations de textures fluides et glaciales, tandis que Artifacts As Media ou Puncturing Space repoussent les limites de l’écoute en jouant sur des contrastes saisissants entre densité sonore et vide.
Le morceau-titre, Un Être Humain Ordinaire, conclut l’album sur une note contemplative, presque méditative. Il résume parfaitement l’intention de Düngfelder : capturer l’essence de ce qui nous rend humains, dans toute notre simplicité et notre complexité.
Un Être Humain Ordinaire n’est pas un album que l’on écoute distraitement. C’est une œuvre immersive, exigeante, qui demande à être vécue autant qu’entendue. Ümlaut y invite l’auditeur à se perdre dans un univers sonore riche et évocateur, où chaque note, chaque silence est porteur de sens.
Avec cette création, Düngfelder affirme sa place parmi les compositeurs sonores les plus intrigants de sa génération. Loin de se contenter de reproduire des sons, il compose des paysages, des récits intérieurs qui résonnent longtemps après la dernière note. Une expérience à la fois unique et universelle, où l’ordinaire devient extraordinaire.
Prochainement en programmation dans Solénoïde, émission des musiques imaginogènes diffusée sur 30 radios/50 antennes FM-DAB !